Le président américain Joe Biden a dévoilé, la semaine dernière une nouvelle enveloppe d’aide à l’Ukraine comprenant des armes lourdes et davantage de renseignement. Depuis le début de la guerre, les États-Unis ont utilisé de manière innovante la déclassification et le partage d’informations sensibles avec le public et l’Ukraine. Une approche qui a un impact évident sur le cours du conflit. C’est la première fois que les États-Unis décident de conduire concrètement une action significative dans ce conflit. Ils ont promis envoyer des armes lourdes dont des obusiers Howitzer à l’Ukraine pour se défendre contre la Russie.
Une nouvelle étape dans l’engagement de Washington aux côtés de Kiev qui n’a pas manqué d’être soulignée par les médias. Mais ce n’est pas tout. Le nouveau plan américain d’aide à l’Ukraine d’une valeur de 800 millions de dollars dispose d’un autre volet, passé beaucoup plus inaperçu, consacré aux renseignements. Le président américain Joe Biden s’est engagé à transmettre davantage de données récoltées par ses services de renseignement à l’Ukraine, au moment où l’armée russe semble toujours plus proche de déclencher la grande bataille pour le Donbass. Joe Biden a même mis sur un pied d’égalité la fourniture d’armes et de renseignements. Le partage de ces informations sensibles « joue un rôle évident dans l’évolution du rapport de force ukraino-russe sur le terrain».
Mais leur impact réel demeure difficile à évaluer : les effets d’un renseignement fourni à temps sont moins visibles que ceux d’un missile anti-aérien ou de roquettes antitanks. En outre, ils sont, par définition, condamnés à circuler en coulisse, loin du regard du grand public et de l’ennemi Russe qui détient lui aussi l’un des sérvices de renseignements les plus puissants au monde. Depuis le début de la guerre, le débat autour du rôle du renseignement a surtout tourné autour de l’approche « sans précédent » de la déclassification d’informations sensibles. Dès les premiers mois de la crise ukrainienne, l’administration Biden a abreuvé les médias de données d’évaluation du risque de guerre, images satellite de la mobilisation des troupes russes, issues directement de l’arrière-cuisine des différentes officines du renseignement extérieur américain (CIA, NSA, Defense Intelligence Agency).
Des documents, réservés d’ordinaire aux seuls yeux des gouvernements alliés, venaient ainsi nourrir le débat public. Cette stratégie « n’a pas empêché la guerre, mais elle a permis de faire accepter par le plus grand nombre que la Russie était l’agresseur. Cela a ensuite facilité la coordination internationale pour imposer les sanctions. Un autre effet indirect de cet étalage très public des plans « secrets » russes avant le début de la guerre d’invasion a pu être de « créer une défiance entre le Kremlin et le service secret russe », estime Ofer Riemer. Cette multiplication des révélations a pu donner l’impression d’un état-major russe infiltré par les services de renseignement occidentaux. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les services de renseignement russes, pourtant très réputés, semblent n’avoir joué aucun rôle décisif durant ce conflit : Vladimir Poutine ne voulait plus écouter ses espions.
Ces déclassifications à répétition de renseignements ont presque fait oublier qu’une fois la guerre déclarée, les espions ont continué à espionner. Mais cette fois-ci, difficile de savoir à quel point l’Ukraine en a profité. À l’analyse, Il y a deux types de renseignements que les États-Unis peuvent transmettre à Kiev : les informations stratégiques, plutôt d’ordre général, sur les plans de guerre et objectif russes, et les données tactiques de suivi en temps réel des mouvements de troupes. Les États-Unis n’ont jamais caché avoir continué de transmettre à Kiev le premier type de renseignements depuis début mars. Mais Washington maintient un flou artistique autour de la fourniture des données tactiques.
Un changement majeur de doctrine qui s’explique par l’évolution du contexte sur le terrain. L’offensive en préparation dans le Donbass nécessite plus que des informations. C’est un front moins large où il va y avoir des tentatives d’encerclement de la part des forces russes, ce qui rend d’autant plus important pour « les Ukrainiens de savoir précisément d’où vient l’ennemi afin de se défendre correctement ». C’est ainsi, donner un coup d’accélérateur à la guerre.