Le travail occupe une place essentielle dans nos sociétés, même par son absence. C’est une des bases de l’économie. C’est la source principale des revenus qui autorise l’accès à la consommation. C’est aussi la voie principale de l’insertion sociale. Le travail structure des catégories professionnelles et des pratiques collectives. C’est un élément important du politique (intervention de l’État dans la régulation sociale, politiques publiques de soutien à l’emploi).
L’avenir du travail et la crise de l’emploi sont des questions qui font l’objet de recherches prospectives et de thèses très diverses comme le montrent les livres parus. Des auteurs défendent l’idée de la disparition du travail, une valeur liée à la société industrielle. Pour d’autres, c’est un invariant de la nature humaine. Certains analysent les évolutions du travail en fonction des formes techniques et culturelles des sociétés. Pour d’autres, un mouvement de transformation du système de l’emploi est amorcé et il faut accompagner ce mouvement.
Les points suivants visent à apporter une clarification des concepts tels qu’ils sont utilisés, mais chacun d’entre eux fait l’objet de débat ainsi que la relation des uns aux autres. L’homme est un être vivant et, de ce fait, il agit. C’est une activité de pensée, de réflexion, de contemplation ou de création. C’est aussi une forme de rapport de l’homme au monde jusqu’à l’activité de transformation du milieu social ou naturel. Elle ne prend pas en compte la contrainte que l’on trouve dans l’activité salariale. La part de liberté dans l’action s’avère grande.
L’activité comprise en termes économiques n’a pas le même sens. L’activité économique est la participation à la production sociale échangeable et monnayable. Les actifs, au sens du marché du travail, sont les personnes qui occupent un emploi ou qui sont demandeurs d’emploi. Les inactifs sont ceux dont l’activité ne fait pas l’objet d’échanges monétaires (les étudiants, les retraités, les femmes au foyer, par exemple). Les réflexions actuelles sur le travail montrent des approches très différentes. Ici, nous nous intéresserons au travail salarié tel qu’il domine dans nos sociétés. C’est l’activité humaine visant à créer, produire, entretenir des biens et des services.
C’est une action soumise à un but et il y a dépense d’énergie physique ou mentale. Elle est isolable parmi les activités humaines car spécialisée comme tâche et décomposée dans la durée. Elle fait l’objet d’une évaluation monétaire, c’est aussi un objet d’échanges et de coordination. La domination du travail salarié est une caractéristique forte de nos sociétés. Le travail est considéré comme la punition d’une faute et signe d’une déchéance : « Tu produiras ton pain à la sueur de ton front ; femme, tu enfanteras dans la douleur » (livre de la Genèse). Chez les Grecs, le travail manuel est la peine de l’esclave, tandis que l’activité intellectuelle et politique est réservée à l’homme libre.
En latin, le « tripalium » d’où vient le mot « travail » est le trépied qui aide les femmes à accoucher, mais c’est aussi un instrument de torture. Le travail apparaît ensuite comme l’instrument d’une récompense et d’une rédemption. Le travail est encore une peine mais il y a une finalité libératrice. Il y a un salut par le travail. L’incertitude du salut au-delà de la mort pousse à chercher dans le travail le signe d’une prédestination positive au salut. Le travail est aussi considéré comme vocation. Ici s’impose l’idée luthérienne de Beruf.
Le travail est lié à un appel de Dieu. Dans le travail se trouve le sens personnel de la vie lié à une vision de Dieu sur soi. La joie dans le travail exprime le sens le plus profond de la condition humaine. Cette idée se retrouve aujourd’hui dans certaines théories des relations sociales qui s’efforcent de promouvoir l’idée de la satisfaction au travail, de la motivation de l’homme au travail, de l’épanouissement dans le travail. Pour Marx, le travail est une force impersonnelle que le capitaliste exploite car c’est la source de la plus-value qu’il doit s’approprier pour accumuler du capital. Pour être exploité, le travail est divisé. Ceci aboutit à l’aliénation de l’ouvrier des « temps modernes » pour qui le travail est en rupture avec la vie.