Les rues des grandes villes tanzaniennes sont restées étrangement vides et silencieuses ce mardi, jour de la fête de l’Indépendance. Ce n’était pas un silence festif, mais le résultat d’un « confinement sécuritaire » imposé par le gouvernement pour bloquer des manifestations prévues. Le déploiement massif des forces de sécurité a transformé les centres urbains en zones sous haute surveillance, laissant une impression de tension et de liberté d’expression muselée.
Magasins fermés, habitants barricadés chez eux : la peur et la prudence dominaient l’atmosphère. L’onde de choc vient de la veille, lorsque le gouvernement tanzanien a posé un ultimatum glaçant : toute manifestation serait considérée comme une « tentative de coup d’État ».
La Voix des Citoyens : « Manifester est un droit ! »
Dans les rues d’Arusha, l’incompréhension et la frustration sont palpables. Pour de nombreux citoyens, l’interdiction est perçue comme un abus de pouvoir qui étouffe le dialogue.
« C’est une très mauvaise image pour notre gouvernement de faire une chose pareille. En général, manifester est un droit », a confié un habitant, préférant garder l’anonymat face à la présence sécuritaire.
Les jeunes, en particulier, se sentent marginalisés. Farijieni Daniel, un résident, exprime ce sentiment d’être ignoré :
« Les jeunes se sentent mal car on a l’impression que personne ne les écoute », a-t-il déclaré. « Si les dirigeants […] coopéraient avec nous et prenaient en compte nos points de vue, cela nous inciterait à éviter le chaos et à préserver la paix. »
La Lecture Politique : Une Atteinte aux
Libertés Fondamentales
L’ordre de rester chez soi, lancé lundi par le Premier ministre Mwigulu Nchemba à tous les travailleurs non essentiels, a transformé la fête nationale en journée morte. L’analyste politique Mussa Juma souligne la gravité de la situation en termes de gouvernance :
« J’ai l’impression que, d’une manière ou d’une autre, ceux qui avaient le droit de manifester se sont vu refuser ce droit », a constaté Juma.
Selon lui, la manœuvre du gouvernement « donne une mauvaise image » et soulève de sérieuses questions sur :
La responsabilité du gouvernement envers ses citoyens.
Le respect de la Constitution et de l’état de droit.
La garantie de la liberté d’expression.
L’interdiction, selon Juma, a « privé de leurs droits » de nombreux citoyens.
Contexte de Violences Post-Électorales
Ce climat de tension n’est pas sans précédent. Le pays d’Afrique de l’Est sort d’une période sombre, ayant connu en octobre ses pires violences politiques depuis des années. Ces troubles avaient fait surface après la proclamation de la victoire du président Samia Suluhu Hassan aux élections nationales avec un score contesté de 98 % des voix, des violences post-électorales qui, selon l’ONU, ont entraîné des centaines de morts.
Aujourd’hui, l’interdiction de manifester résonne comme une nouvelle tentative de la part de l’État de contrôler la dissidence, soulevant l’inquiétude quant à l’avenir de la démocratie et des libertés civiles en Tanzanie.