Le 10 février 2021, dans son adresse à la jeunesse, Paul Biya a lâché l’expression : « transition générationnelle ». Aussitôt, le landerneau politico – médiatique s’est emparé de l’expression pour l’analyser de long en large. Les annonces de la tenue future d’un congrès du RDPC et l’apparition d’un mouvement des « Franckistes » ont participé à amplifier l’idée que quelque chose allant dans le sens du renouvellement du personnel politique était en cours.
Certains se sont mis à scruter les faits et les actes politiques des gens au pouvoir pour entrevoir les signes concrets d’une transition générationnelle qui serait en cours. Ceci a même amené certaines personnes à croire qu’à l’ouverture de la session parlementaire de Mars 2021, les têtes de l’Assemblée nationale et du Sénat allaient probablement être remplacées par des figures plus jeunes.
Une telle attente est quand même étonnante. Elle l’est parce que ceux et celles qui se bercent de telles illusions font preuve à notre avis d’amnésie et de naïveté. Et pour cause, ces personnes semblent oublier quelques fondamentaux de l’histoire et de la vie politique dans notre pays :
▶ Les promesses’ des dirigeants n’engagent que ceux et celles qui y croient.
▶ On fait d’abord et toujours confiance aux vieux compagnons de route, aux différents clans et à la famille qui constituent les différents éléments de la mafia au pouvoir.
▶ on n’occupe pas une fonction parce que l’on est jeune, dynamique et compétent. On occupe un poste parce que l’on a donné des gages de soumission et qu’on entre dans l’équation de représentativité politique complexe du moment.
▶ on se retrouve aux affaires parce que d’une certaine manière, la préservation des intérêts de la caste au pouvoir sera renforcée du fait de notre présence.
Si les objectifs du Président de la République actuel étaient de construire une démocratie, de mettre en place une gouvernance du résultat, de privilégier avant tout les intérêts du peuple camerounais, on serait fondé à prendre au mot les discours qu’il prononce.
Malheureusement, selon toute évidence, des décennies d’observation permettent d’affirmer que ce Président de la République a décidé de mourir au pouvoir.
Il a comme seule préoccupation de se maintenir par tous les moyens, au – delà de l’âge et de la raison.
Dans une telle optique, il ne comprend que le langage du rapport de force. Rapport de force qui reste au demeurant, la grammaire de base de la vie politique.
Dès lors, la transition générationnelle entendue comme le double mouvement de rajeunissement et de renouvellement de la classe dirigeante n’est pas quelque chose qui va tomber du ciel. Encore fait – il que les différents clans, groupes d’intérêts, personnalités et lobbys qui composent et structurent le pouvoir se définissent dans les catégories de « jeunes », « vieux », « hommes », « femmes », etc.
Cette transition générationnelle ne sera pas la conséquence de la parole et du décret du Paul Biya.
Elle sera à notre avis la conséquence de la haute lutte menée par ceux et celles qui, plus jeunes, entendent prendre le pouvoir et l’exercer durablement.
Elle sera le fruit d’une terrible guerre entre les différents groupes au sein du pouvoir et en dehors du pouvoir. Elle a même commencé depuis un certain temps. Les victimes de cette lutte sont pour certains en prison, pour d’autres six pieds sous terre. Pour ceux et celles qui souhaitent véritablement un changement de système, il faut bien sûr aller plus loin que des objectifs de transition générationnelle. Et pour cause : Nous avons eu en 1982 une alternance avec en plus, Président plus jeune au pouvoir. 39 ans avant, il est évident que de nombreuses illusions sont tombées.
Un changement de personnes à système de gouvernance constant risque de consolider le basculement de notre pays dans le statut d’État failli, dont la nouvelle normalité est la persistance de crises de plus ou moins grande intensité.
Être jeune n’est pas une vertu en soi ; être jeune ne garantit pas la modernité et l’efficacité. C’est sans aucun doute un changement dans l’image de l’incarnation du pouvoir et un beau symbole. Mais cela n’est d’aucune garantie sur le changement de réalité.
Ceux et celles qui veulent une transformation profonde de la gouvernance du pays doivent constamment se rappeler que :
L’enjeu actuel n’est pas le changement des hommes mais des fondations sur lesquelles reposent le pays.
L’enjeu principal, c’est la refondation de l’Etat, ce qui signifie de changer de logiciel de gouvernance, de résoudre les crises, de nouer un nouveau contrat social, de bâtir de nouvelles institutions.
Rendu où nous sommes, le pays a d’abord besoin de nouvelles pratiques et de compétences avérées à tous les niveaux de l’Etat. Changer les personnes sans avoir changé au préalable ou en même temps les institutions ne nous augure pas d’un changement futur des réalités que vivent les populations.
Si l’on privilégie ce qui est essentiel, si l’on veut tirer les leçons de l’histoire, si l’on veut assurer que le pays retrouve une paix durable, si l’on veut des politiques publiques qui marchent vraiment, il faut se battre pour une transition politique démocratique qui refonde l’État chez nous.
La transition générationnelle est une continuité du système actuel. La transition politique démocratique est une rupture avec le système présent.
Faisons le choix de travailler pour une Transition Politique qui permette de Refonder l’État du Cameroun.