Dans l’Est tchadien, la frontière avec le Soudan est devenue une zone de non-retour humanitaire. Sous la menace constante des drones FSR, des milliers de civils fuient encore vers le Tchad, portant le total des réfugiés soudanais à près d’un million. Sur le site de Goudrane, la survie se compte désormais en gouttes : face à l’afflux et au manque de fonds, l’aide vitale s’effondre. Dès le 7 novembre, l’eau rationnée tombe à trois litres par personne, la pire des nouvelles quand le choléra rôde et que les latrines manquent cruellement.
L’Est tchadien n’est plus seulement une zone frontalière, c’est une cocotte-minute humanitaire. Sous le soleil de plomb, la terre rouge de cette région est foulée chaque jour par des milliers de pas. Des pas qui fuient la violence aveugle et les bombardements par drones des Forces de soutien rapide (FSR) qui frappent sans répit des localités soudanaises comme Tina et Kornoi. L’effet est un exode massif, une marée humaine qui grossit d’heure en heure.
Au début de l’année 2025, le Tchad, déjà hôte d’une crise historique, a vu débarquer plus de 161 500 Soudanais supplémentaires. Un chiffre qui s’ajoute aux 882 000 qui avaient déjà cherché refuge ici depuis le début du conflit au Soudan en 2023. Le pays, qui est parmi les plus pauvres du monde, se retrouve à devoir gérer une crise aux proportions dantesques. On a dépassé le seuil de l’urgence, on frôle la catastrophe structurelle.
Goudrane : Le Stress Hydrique et Sanitaire à son Paroxysme
Le camp de Goudrane est l’épicentre de cette détresse. Aujourd’hui, 49 000 âmes y vivent, majoritairement des femmes et des enfants dont les visages portent les marques de la peur et de l’épuisement. La situation de l’eau y est particulièrement critique, et la sentence est tombée comme un couperet : *_À partir de ce 7 novembre, Action contre la Faim (ACF) n’est plus en mesure de garantir que trois litres d’eau par personne et par jour. Trois litres. C’est tout juste la survie, et c’est loin des standards minimums. On se demande ironiquement s’il faut choisir entre boire, se laver, ou cuisiner.
La crise est accentuée par le manque criant d’infrastructures. Avec plus de 19 000 réfugiés dormant encore à la belle étoile et seulement un millier de latrines pour 49 000 personnes, le calcul est simple, mais les conséquences sont terrifiantes. Le spectre d’une épidémie de choléra plane lourdement au-dessus des têtes. Le risque n’est plus hypothétique, il est imminent.
Face à l’afflux continu, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et ses partenaires tentent une course contre la montre désespérée. Deux nouveaux sites d’accueil ont été identifiés, mais la priorité absolue reste l’accès à l’or bleu. Des études géophysiques sont en cours pour s’assurer que l’eau sera disponible en quantité suffisante. Sur le plan financier, la réponse est lamentablement insuffisante. Le HCR lance un appel pressant : le Plan Régional de Réponse pour 2025 requiert 701,4 millions de dollars. Sans cette somme, c’est toute la chaîne de l’aide humanitaire qui menace de s’effondrer.
Le Tchad, lui, continue d’accueillir. Il le fait avec une résilience et une générosité qui dépassent ses moyens. Mais la blague n’est plus drôle : la communauté internationale ne peut pas se permettre d’ignorer cet appel. Car ce qui se joue à la frontière du Soudan, c’est la survie de plus d’un million de personnes.