Il y a quatre ans, la ville de Palma, sur la côte mozambicaine, était en ébullition, promettant l’eldorado grâce au gigantesque projet de gaz naturel liquéfié (GNL) de TotalEnergies. Aujourd’hui, après des attaques meurtrières d’insurgés islamistes en 2021 qui ont mis le projet à l’arrêt, la clause de force majeure a été levée en octobre. TotalEnergies s’apprête à redémarrer cet investissement colossal de 20 milliards de dollars. Pourtant, ici, dans les rues de Palma, l’ambiance n’est pas à la fête.
Palma, Ville Fantôme et Forteresse d’Afungi
Le redémarrage se fait sous haute sécurité. Les installations de TotalEnergies sur la péninsule d’Afungi, à une vingtaine de kilomètres d’ici, fonctionnent désormais en « confinement », accessibles uniquement par mer ou par air. Et c’est là que le bât blesse pour les habitants. Les milliers d’ouvriers, de sous-traitants et de fournisseurs qui faisaient vivre l’économie locale ont été déplacés à l’intérieur de ce complexe militarisé, transformant Palma en ville fantôme.
Fernando Cuna (59 ans, Gérant d’hôtel) : (Voix fatiguée, un peu amère) Attendez… $20 milliards, c’est ce qu’on entend à la télévision. Mais ici, à Palma, ça ne vaut rien. Palma est devenue un désert. On avait investi, dans l’hôtellerie, dans la restauration, pour les transports, pour les ouvriers ! Maintenant, il n’y a plus personne. Mes chambres sont vides, les taxis-motos attendent au coin de la rue sans clients. La frustration grandit… Ils sont en sécurité dans leur forteresse, et nous, on regarde
Sécurité et Inégalités : Le Choix du « Confinement »
TotalEnergies justifie ce confinement par la nécessité absolue de la sécurité. Maxime Rabilloud, directeur général du groupe au Mozambique, a rappelé que c’est une pratique standard. Le groupe affirme qu’une participation économique locale accrue est à prévoir avec la reprise et qu’une partie des denrées alimentaires pour les 2 000 travailleurs est déjà achetée sur place.
Cependant, la situation sécuritaire à l’extérieur d’Afungi est loin d’être résolue. Malgré la présence renforcée des forces rwandaises dans la province de Cabo Delgado, qui ont réduit les insurgés à environ 500 hommes, les attaques contre les civils ont, elles, augmenté ces derniers mois.
Cette dichotomie entre la sécurité interne du projet et l’instabilité externe est un terreau fertile pour de nouvelles tensions, comme l’explique Nicolas Delaunay de l’International Crisis Group.
Nicolas Delaunay (International Crisis Group) : (Par téléphone, voix claire et analytique)
La péninsule d’Afungi est extrêmement sécurisée, presque comme une forteresse, c’est vrai. Pendant ce temps, à l’extérieur, les attaques insurgées se multiplient. Le message que cela envoie est fort : le gouvernement et le consortium privilégient l’exploitation des ressources au détriment du bien-être des habitants. Cela ne fait que renforcer les griefs qui étaient à l’origine de l’insurrection… on risque de reproduire le même schéma qui a conduit à l’arrêt du projet
Conclusion : Un Avenir Incertain
La reprise du mégaprojet GNL est vitale pour le Mozambique et pour l’approvisionnement mondial en énergie. Mais si elle se fait au prix d’une exclusion quasi totale des populations locales, si elle crée une enclave de richesse au milieu d’une insécurité grandissante et d’une pauvreté locale, on peut se demander combien de temps durera ce nouveau départ. Ici à Palma, les regards sont tournés vers cette « forteresse » d’Afungi, avec le sentiment amer d’être les spectateurs d’une richesse qui leur passe sous le nez.