Depuis près de neuf ans, la ville de Bamenda vit à l’ombre de la dévastatrice crise anglophone. Le conflit armé persistant entre les Forces armées camerounaises et les groupes armés séparatiste a engendré une insécurité chronique et une instabilité économique, plongeant la vie quotidienne dans une précarité constante. Pourtant, au milieu de ce chaos, une résilience communautaire remarquable et des efforts gouvernementaux de stabilisation tentent de maintenir le tissu social et l’espoir.
L’Éducation, un Front de Résistance Civile
L’un des témoignages les plus poignants de cette résistance est le combat pour l’éducation. Malgré les couvre-feux, les confinements et le danger, les enseignants de Bamenda refusent de laisser une génération entière être sacrifiée. L’apprentissage se poursuit grâce à des leçons improvisées et des stratégies adaptées. Comme souligne ici Ngang Isaac, directeur adjoint du Lycée Baptist Comprehensive : Nous étudions dans une situation où nous avons une urgence scolaire. Les enfants doivent suivre tout le programme pour pouvoir affronter l’examen national, tout comme leurs pairs dans des régions où la vie est normale. Nous avons donc adopté des stratégies pour nous assurer de faire face aux défis Cette approche illustre la détermination des éducateurs à assurer la continuité pédagogique malgré les perturbations.
Une Économie en Survie
Aussi, l’instabilité a durement frappé le secteur économique, transformant la survie en un défi quotidien pour les entrepreneurs. Ndi Linus, créateur de mode, incarne la lutte pour maintenir l’activité. Il continue son travail de couture malgré les pénuries et les restrictions de mouvement. Son témoignage est éloquent : Au fur et à mesure que la crise se développait, la vie devint très difficile. Nous survivons à peine et maintenons l’appareil. Contrairement au passé, lorsque nos services étaient très demandés, ce n’est plus le cas aujourd’hui Ce tableau dresse le portrait d’une économie locale où la demande s’est effondrée et où les moyens de subsistance sont précarisés.
La Jeunesse, Architecte de l’Avenir
Malgré l’environnement de crise, la jeunesse de Bamenda trouve refuge et but dans la solidarité et l’innovation. Dans des « coins sûrs » de la ville, de jeunes leaders créent des espaces dédiés à l’art, à l’espoir et à l’innovation technologique. L’agent de jeunesse Etoh Anzah Herbert articule une vision audacieuse pour l’après-crise : Nous prévoyons beaucoup de choses pour la région du Nord-Ouest après la crise. Nous attendons avec impatience une région qui deviendra numérique et verticale, avec l’utilisation de la technologie pour résoudre les problèmes communautaires fondamentaux, comme l’intelligence artificielle pour traiter la mauvaise gestion des déchets, les pénuries d’eau et les lacunes en matière d’éducation Cette perspective témoigne d’une volonté farouche de transformer les défis actuels en opportunités post-crise grâce à la technologie.
Efforts Gouvernementaux pour Régulariser la Situation
La crise a été déclenchée par la répression des manifestations de 2016-2017 contre une présumée marginalisation culturelle par le gouvernement à majorité francophone. Face à l’escalade, le gouvernement camerounais a déployé plusieurs efforts pour régulariser la situation notamment l’organisation du Grand Dialogue National en 2019. L’objectif était de rassembler les parties prenantes, y compris la diaspora et les leaders communautaires, pour discuter des racines de la crise et proposer des solutions.
* Statut Spécial pour les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest : Une des principales résolutions du GDN, adoptée et inscrite dans le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées, est l’octroi d’un Statut Spécial aux régions anglophones. Ce statut vise à :
* Décentraliser le pouvoir : En offrant plus d’autonomie dans la gestion des affaires locales et des ressources.
* Reconnaître l’Héritage Anglophone : En mettant l’accent sur la protection et la promotion du système éducatif (common law et éducation anglo-saxonnes) spécifique à ces régions.
* Opérations de Sécurité et de Dédoublement : Le gouvernement maintient une présence militaire dans la région (les Forces armées camerounaises mentionnées dans le texte) dans le but déclaré de rétablir l’ordre, de protéger les populations et les infrastructures, et de « neutraliser » les groupes armés sécessionnistes.
Aussi, des centres de Démobilisation, Désarmement et Réintégration ont été mis en place pour accueillir les ex-combattants qui choisissent de déposer les armes et de reprendre une vie civile, offrant ainsi une voie de sortie du conflit.
Face à l’ampleur de la crise humanitaire le gouvernement, souvent en partenariat avec des organisations internationales, participe à l’acheminement de l’aide et à l’assistance aux déplacés internes.
Malgré ces mesures politiques et sécuritaires, la persistance du conflit, les milliers de morts et le bilan humanitaire élevé (détails fournis par l’ONU) soulignent que les efforts de régularisation et de paix restent un défi majeur et inachevé. La vie à Bamenda est donc un mélange complexe de détresse humanitaire, de survie économique résiliente et d’une aspiration tenace à la normalité.
