22 décembre 2024, 4:01 am

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AFRIQUE : MAIN BASSE SUR LE CAMEROUN, LES CRIMES DE LA FRANCAFRIQUE

Mongo Béti (1932-2001), écrivain camerounais, est connu pour ses romans, notamment ceux des années 1950 (Ville cruelle, sous le pseudonyme d’Eza Boto, Le Pauvre Christ de Bomba), qui a joué un rôle important dans la prise de conscience du colonialisme et dans la lutte contre celui-ci. Publié en 1972 par les Editions François Maspero, Main basse sur le Cameroun était un réquisitoire contre les crimes du président Ahidjo. Sa réédition, en 1977, dans une version revue, reste encore d’une actualité brûlante. Mongo Béti montre en effet que les anciennes colonies d’Afrique occidentale française et d’Afrique équatoriale française, formellement indépendantes depuis les années 1960, n’en sont pas moins restées étroitement contrôlées par la France. 43 ans plus tard, ce livre reste un document historique majeur, indispensable pour comprendre les évolutions ultérieures de la  » Françafrique « .

Main basse sur le Cameroun : Autopsie d’une décolonisation, publié chez François Maspero

fut immédiatement censuré en 1972 par le ministre de l’Intérieur français de l’époque.

L’interdiction de circuler en France de cet ouvrage n’a été levée qu’en 1976.

Mongo Béti est un insoumis qui, à l’aide des mots, tente de donner aux lecteurs les clés du fameux procès du dernier leader historique de l’U.P.C, Ernest Ouandié et de l’évêque de Nkongsamba, Monseigneur Albert Ndongmo. Mascarade de procès au Cameroun.

Il s’efforce dans un premier temps, dans un style maîtrisé et direct de brosser le contexte de ce procès dans l’histoire récente du Cameroun. 10 ans d’indépendance au moment des faits. Plus de 15 ans de guerre d’indépendance menée par les révolutionnaires de l’Union des populations camerounais. Décrivant d’abord la genèse de ce mouvement créé par des syndicalistes français, puis la figure historique de Ruben Um Nyobè qui dès 1954 prend les armes pour poursuivre son combat contre l’administration coloniale. Cette première phase de l’essai permet au lecteur de cerner la violence d’un conflit longtemps passé sous silence à l’extérieur du Cameroun. Elle permet de voir l’ascension d’Ahmadou Ahidjo, modeste instituteur peulh qui deviendra le champion de l’administration coloniale. Si Mongo Béti se montre particulièrement irrévérencieux à l’égard de ce dernier qu’il désigne par le qualificatif de petit peulh, c’est principalement par le fait qu’il constitue l’élément central de sa démonstration : les indépendances en Afrique francophone sont un leurre, fruit de la vision éclairée du Général de Gaulle pour garder la main mise de la France sur son pré-carré en Afrique. Si on peut regretter les attaques sur la personne du président camerounais par Mongo Béti, qui pourrait réduire son propos, la densité de son discours atténue ce méfait en soulignant la violence du régime d’Ahidjo sur la persécution dont Mongo Béti a été l’objet sur les éliminations physiques des leaders de l’opposition camerounaise, sur la désinformation orchestrée par une certaine presse française de gauche.

Sur ce point, Mongo Béti recueille de nombreux articles couvrant les événements entourant l’indépendance camerounaise de 1958 à 1962, mais surtout le procès de 1970 et l’exécution d’Ernest Ouandié pour développer la thèse d’une presse à géométrie variable quand il s’agit de traiter les scandales des pays du Tiers-Monde. Observateur de cette presse, habitué à la voir ruer dans les brancards lorsqu’un régime fasciste abat des cartes violentes sur son opposition ou sur des minorités, comme en Espagne lors du procès franquiste de Burgos, ou en République dominicaine, où la dictature est soutenue par les Etats-Unis, le Guatemala… Observateur de cette presse. Mongo Béti n’en est que plus désabusé quand il constate l’omerta puis la désinformation qu’elle impose autour des événements au Cameroun et surtout le procès de Ouandié et Ndongmo. Le journal de centre gauche « Le Monde » est particulièrement dans son collimateur.


Mongo Béti s’appesantit plus sur le cas de l’évêque de Nkongsamba que sur celui de Ouandié. Entrepreneur alerte et innovant, il est l’exemple parfait de l’intellectuel dont on coupe sciemment les ailes à ses initiatives. La Françafrique est en marche, et il n’est pas de bon temps, à cette période, pour un camerounais indépendant de s’aventurer sur ce terrain sans aucune tutelle parisienne. Main basse sur le Cameroun est l’occasion de voir les mécanismes de maintien de l’élite de tout un pays sous l’emprise d’un individu.

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