Le ton monte entre l’opposition et la coalition présidentielle au Sénégal. Trois figures de l’opposition, Ousmane Sonko, annoncé comme un des principaux concurrents à la présidentielle de 2024, Barthélémy Dias, candidat à la mairie de Dakar en janvier, et Malick Gakou, ancien ministre, ont été interpellés et retenus quelques heures hier par les policiers. Des arrestations qui faisaient suite à des violences entre leurs supporteurs et les forces de l’ordre sur le chemin du tribunal, où Barthélémy Dias devait comparaître pour une affaire datant de 2011.
« Récit d’une journée mouvementée », titre WalfQuotidien qui détaille par le menu le parcours du cortège des opposants et les affrontements qui ont vite éclaté entre forces de l’ordre et sympathisants de l’opposition ainsi que l’arrestation des trois leaders. Une arrestation, rapporte WalfQuotidien, « qui a fait rugir la coalition de l’opposition Yewwi Askan wi, dont ils sont membres. En conférence de presse, les leaders de ladite coalition ont affirmé qu’ils ne céderaient pas d’un iota, et ajouté qu’ils étaient plus que déterminés à mener le combat pour protéger la démocratie. (…). Cet appel à la résistance a eu un écho auprès des jeunes. Car aussitôt, des manifestants sont sortis en masse et ont brûlé des pneus un peu partout dans les grands axes de la capitale. Ce qui a certainement poussé les autorités, pointe le journal, à précipiter la libération des personnes arrêtées. »
« Imposteurs, putschistes, nihilistes… »
De son côté, la coalition au pouvoir n’a pas mâché ses mots… C’est ce que rapporte notamment le quotidien Enquête : « Benno Bokk Yaakaar traite les leaders de Yewwi de tous les noms d’oiseaux », s’exclame le journal. « Les membres de la coalition autour du président de la République, face à la presse, ont en effet affirmé se réjouir que « la population et la jeunesse de Dakar aient, dans leur majorité, ignoré l’appel de ces néo-politiciens. La coalition salue la maturité du peuple sénégalais qui a fini de démasquer ces imposteurs, putschistes, et nihilistes invétérés. » »
Tout est parti donc de cette convocation au tribunal de l’opposant Barthélémy Dias pour une affaire de violence lors de l’attaque de sa mairie en 2011, dans laquelle il a été condamné et pour laquelle il avait fait appel. « Depuis plusieurs jours, rapporte Jeune Afrique, les têtes d’affiche de la coalition Yewwi Askan Wi multipliaient les déclarations pour dénoncer la convocation de Barthélémy Dias, survenue quelques jours seulement après que sa candidature à la mairie de Dakar a été officiellement déposée. (…) Véritable épée de Damoclès qui plane au-dessus de l’avenir politique de Barthélémy Dias, ce procès en appel pourrait rebattre les cartes du scrutin local du 23 janvier, estime le site panafricain. Mais aura-t-il lieu à la veille des élections ? »
Veillée d’armes électorale
En fait, pointe Aujourd’hui au Burkina Faso, « personne n’est dupe au Sénégal, à l’orée de ce scrutin de janvier (pour les élections locales), qui dessinera la carte électorale du pays, pour la grande bataille de 2023. Pouvoir comme opposition se toisent, aiguisent leurs armes, car chaque coterie sait que ce 23 janvier prochain campera les différentes forces qui descendront dans l’arène présidentielle dans 2 ans. »
Et L’Observateur Paalga, toujours au Burkina, de rappeler que « les relations entre Macky Sall et ses opposants sont particulièrement conflictuelles depuis quelque temps, certains accusant le président d’instrumentaliser la justice pour exclure du jeu politique des challengers sérieux. » Et, poursuit le journal, « il faut reconnaître que c’est un peu gênant que, tour à tour, Karim Wade, Khalifa Sall, Barthélémy Dias et Ousmane Sonko aient tous, comme par hasard, des soucis judiciaires, au moment même où on suspecte Macky Sall de vouloir faire sauter le verrou limitatif du nombre de mandats présidentiels pour briguer un troisième bail. On peut donc penser que, comme tout homme politique qui se respecte, le premier magistrat sénégalais use de moyens déloyaux pour servir sa cause. De là à dire que ses contempteurs soient totalement innocents de ce dont on les accable, il y a un pas qu’il faut se garder de franchir », tempère L’Observateur Paalga.
En tout cas, conclut le quotidien ouagalais, « la justice sénégalaise est créditée d’une certaine indépendance pour ne pas suivre aveuglément les desiderata des hommes politiques, fussent-ils présidents de la République. On peut de ce fait s’inquiéter de ce que des responsables qui aspirent à présider un jour aux destinées de leurs compatriotes recourent systématiquement à la rue pour faire pression sur la justice. Comme s’ils n’étaient pas des justiciables comme les autres. »