L’accélération de l’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) était le thème du dernier sommet annuel de l’Union africaine (UA). L’institution continentale a notamment appelé les dirigeants du continent à « redoubler d’esprit de panafricanisme ». Un mot d’ordre qui pourrait renforcer la tendance à la « panafricanisation » du secteur privé africain dont le premier conclave sous l’égide du secrétariat de la Zlecaf se tiendra en avril.
Si l’appel au panafricanisme était surtout adressé aux gouvernements afin de créer le cadre propice au déploiement de la Zlecaf, il pourrait cependant renforcer l’idée d’une « panafricanisation » à petite et grande échelle des entreprises du continent, lesquelles constituent le cœur-battant de cette plateforme. D’autant que cette tendance à la logique panafricaine du business s’observe de plus en plus depuis quelques années. Le secteur financier notamment en a fait la démonstration. Outre les banques d’Afrique du Sud, du Nigeria ou du Maroc qui ont démontré une forte orientation continentales ces dernières années, un rapport de l’Association africaine des fonds d’investissements et de capital-risque (AVCA) montre qu’au premier semestre 2019, 51% de la valeur des transactions de capital-investissement en Afrique portaient l’étiquette panafricaine.
Si la nécessité de diversifier les risques d’investissement est évoquée comme l’un des principaux motifs, la Zlecaf n’est pas étrangère à cette tendance visiblement renforcée. En décembre 2021, le Comité panafricain du commerce et de l’investissement du secteur privé (Paftrac) un organe qui relève de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) boucle l’année en révélant que les patrons des entreprises commerciales dans 46 pays d’Afrique prévoient d’investir ou ont déjà commencé à le faire pour le développement continental de leurs activités, sur fond de la Zlecaf. Leur motif : « tirer parti des opportunités d’accès aux marchés qu’offre la zone de libre-échange ».
La Zlecaf -qui a son siège au Ghana est officiellement opérationnelle depuis le 1er janvier 2021. Mais à ce jour, peu de transactions se font en raison des nombreux freins dont la non-libre circulation des biens et des personnes, la question des barrières tarifaires, et bien plus encore. Ces obstacles font notamment que le commerce intra-africain ne représente toujours que 16% du commerce de l’Afrique. L’accord prévoit l’élimination des droits de douanes sur 90% des marchandises d’ici 2030, ce qui n’est pas gagné d’avance, puisque cela devrait encore faire l’objet de longues négociations.
Pour faire avancer l’agenda, l’UA a lancé en octobre 2022 le Guided Trade Initiative, un projet pilote créé pour faire circuler librement une centaine de produits issus de huit pays africains réunissant l’Ouest, l’Est, le Centre, le Sud et le Nord de l’Afrique. Il s’agit du Ghana, du Rwanda, du Kénya, de l’Égypte, du Cameroun, de Maurice, de la Tanzanie et de la Tunisie. Les entreprises de ces pays sont donc amenées à travailler dans le cadre de jumelage. Cela pourrait à terme donner lieu à des implantations, ce qui serait une autre manière de « panafricaniser » les entreprises.