Les régimes dictatoriaux du monde entier commencent d’abord par refuser au peuple toute liberté y compris la liberté d’expression et d’association. Dès que le contexte international et les luttes internes rendent impossible cette posture, le régime du jour au lendemain décrète le multipartisme intégral et la liberté de bavardage.
Le multipartisme intégral est une perversion de la liberté d’association. C’est une forme de libertinage qui favorise la création de centaines de partis politiques ayant des offres les plus diverses et confuses. N’étant fondé sur aucune idéologie et ayant rarement des programmes bien pensés, ces organisations se rabattent sur le tribalisme, le régionalisme, le linguisme ou d’autres formes de repli identitaire. La liberté de bavardage est tout le contraire de la liberté d’expression. Elle interdit au peuple et aux acteurs politiques les formes efficaces de la liberté d’expression comme le droit à la manifestation pacifique et à la réunion même dans des domiciles privés. Par contre, elle favorise la création de milliers de journaux (feuilles de choux), des centaines de radios et plusieurs dizaines de télévision, ayant des lignes éditoriales qui mettent un accent sur la distraction et la diversion.
Ces média-dont certains se proclament pour le pouvoir et d’autres pour le « peuple » – auront le même modus operandi: donner la parole à une foultitude d’individus sans formation civique et politique et qui disent tout, n’importe quoi, et… son contraire.
Les acteurs politiques qui s’engouffrent dans ce jeu deviennent à la longue de sorte de comédiens qui apparaissent à la télé tous les jours, parlent haut et forts, mais ne peuvent ni se réunir ni manifester dans les rues. Le peuple embrouillé par ces prestations et « analyses » finit par les mettre dans le même chapitre que les acteurs des novellas ou les artistes comédiens. On s’assoit en spectateur passif, on les regarde prester, on commenté haut et fort, on rêve d’amour et de changement. Mais on ne fait surtout rien pour que ça change. Après l’émission, on retourne à sa vie de misère, en attendant le prochain épisode qui nous permettra de nous évader.On passe ainsi sans transition de l’ère de l’ignorance où on comprend rien à celle de la post-vérité où les opinions remplacent la réalité qui a été déconnectée de la vérité.
Le libertinage associatif et la liberté de bavardage sont deux outils que la dictature manipule pour empêcher l’avènement de la vraie démocratie. Le régime de Biya en a maîtrisé l’usage.