Economie

Cameroun – Tchad : pourquoi la cession de 10% des actifs de savannah à la Snh irrite tant le Tchad ?

Bien que n’étant pas dans le « secret des dieux » pour connaître toutes les motivations souveraines qui ont amené les autorités Tchadiennes à transformer le contentieux d’affaires entre actionnaires de l’exploitation et du transport de son pétrole en grave crise diplomatique avec le rappel de son Ambassadeur au Cameroun, il y a au moins, et à coup sûr, une raison qui fortement participé à mettre la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Il s’agit de la cession de 10% des actifs de Savannah sur les 40% cédés initialement par Exxon Mobil (il faut bien intégrer ceci pour comprendre). Mais pourquoi ce qui devrait normalement relever d’arrangements capitalistiques entre actionnaires ou investisseurs d’un projet liés par l’affectio societatis a autant irrité le Tchad pour se transformer en psycho drame diplomatique ?  

Pour le comprendre, il faut se rappeler de ce que nous avions déjà écrit précédemment pour décrire le contexte de cette affaire: il y a 03 structures juridiquement indépendantes qui gèrent le pétrole Tchadien, à savoir: Esso Exploration & Production Chad Inc (EEPCI) pour la partie production et exploitation du brut Tchadien ; TOTCO (Tchad Oil Transportation Company) qui gère le transport du pétrole produit par EEPCI pour la partie Tchadienne du Pipeline (100 kms) ; COTCO (Cameroon Oil Transportation Company) qui gère le transport du brut et pipeline côté Camerounais (980 kms).

Le Cameroun parent pauvre

Les 03 structures ont pratiquement les mêmes actionnaires (à l’exception de COTCO) suivant les proportions déterminées au départ du projet dans EEPCI à savoir 40% pour l’opérateur Exxon Mobil, 35% pour Petronas et 25% pour Chevron Texaco. Ces 3 compagnies devaient se partager dans ces proportions-là, les bénéfices distribués ou dividendes issus de la vente à l’international des 40% de la production (l’Etat Tchadien à travers la Société des Hydrocarbures du Tchad recevant au départ ses royalties ou produit de la vente de sa cote part de 60% de la production).

Entre temps le Tchad a repris les actifs de Chevron Texaco en 2014 faisant entrer l’Etat du Tchad et la Société des Hydrocarbures du Tchad, depuis cette date, dans l’actionnariat des 03 structures (EEPCI, TOTCO et COTCO). Le seul « dindon de la farce » dans ce tour de table était la SNH qui n’était actionnaire qu’à COTCO (et non dans les 2 autres structures du TCHAD). Mais après tout c’est normal le pétrole n’étant pas Camerounais.

La SNH devait donc se contenter de ses 5,17% dans le capital de COTCO (contre 22,8% pour son homologue Tchadienne la SHT et 2,2 pour l’Etat Tchadien). Et nous parlons bien de 5,17 % uniquement dans COTCO c’est à dire dans la structure qui gère la partie Camerounaise du pipeline. Voilà l’état des lieux au moment où Exxon Mobil décide de se retirer et de céder ses parts ou actifs dans le projet à Savannah. En acquérant les actifs de Exxon Mobil, Savannah devient automatiquement actionnaire des 03 structures elle aussi puisque Exxon Mobil y détenait déjà des parts.

La manne du Cameroun

Sauf que pour des raisons qui restent encore à comprendre ou à éclaircir, Savannah qui vient à peine d’acquérir les actifs d’Exxon Mobil décide de se délester de 10% desdits actifs en les vendant à la SNH. Si la transaction se concrétise, c’est une super belle affaire pour la SNH, le jackpot même presque par rapport à sa position de départ, puisque non seulement elle augmente par cet achat sa part dans COTCO à 15,17% mais surtout elle fait une entrée à 10% dans le capital de TOTCO et 10% dans le capital de EEPCI. Au final, si la transaction est validée, la SNH possèderait 15,17% de COTCO, 10% de TOTCO, et 10% d’EEPCI et deviendrait donc elle aussi actionnaire dans les 03 structures.

Colère de Ndjamena

 Donc super bien joué de la part de la SNH et c’est le Cameroun qui gagne, la SNH étant à 100% propriété de l’Etat. Sauf que l’affaire se passe mal à Ndjamena. Très mal même. Le TCHAD estime que comme ce fut le cas avec Chevron Texaco c’est d’abord à eux que Savannah aurait dû proposer la cession de ses 10% d’actifs si elle tenait tant à les vendre (une sorte de droit de préemption même si le pacte d’actionnaires ne le prescrit pas expressément). Après tout, pense Ndjamena, « c’est d’abord notre pétrole quand même ».

  De fait, je ne doute pas que les dirigeants de Savannah ont d’abord été tentés de proposer la vente des 10% de leurs actifs dans le projet au Tchad mais quand ils ont constaté que seule la SNH avait le nkap nécessaire pour payer les 10% cash (Savannah a certainement besoin d’argent liquide et frais pour finaliser sa transaction avec Exxon Mobil), ils n’ont pas eu guère de choix que de vendre à la SNH pour 26 milliards en devises s’il vous plaît puisque Exxon Mobil attend des dollars et non des FCFA dans ses comptes.

La SNH ayant les moyens pouvait elle cracher sur une si belle opportunité d’investissement ou prise de participation ? Que NON !  Surtout qu’il n’y avait rien à priori de délicieux ni d’illégal dans l’opération. Mais c’était peut-être sans compter avec la perception que le Cameroun et les Camerounais ont, à tort ou à raison, dans pratiquement toute la sous-région CEMAC et qui n’a certainement manqué d’ajouter du piment dans la sauce dans cette affaire et qui pouvait s’exprimer de manière humoristique ainsi: « ils ont toujours le gros cœur ces Camerounais…ils veulent s’accaparer de tout dans la sous-région et s’imposer partout…ils ont leur pétrole là-bas ils nous ont vu leur demander quelque chose ? »

 Non mais il faut qu’ils viennent allonger leurs tentacules sur notre pétrole parce que nous nous sommes des mboutoukous hein ? Minalmi ! On va donc leur montrer que nous aussi on a la réputation de mal nous fâcher. D’abord on rappelle notre ambassadeur de là-bas, ça ne bloque pas les relations diplomatiques ni économique au sens de la Convention de Vienne qui régit les relations diplomatiques entre les Etats mais ça envoie un message clair et non équivoque au Cameroun ». Mais ce qu’il faut retenir ici c’est que pour la SNH c’est une très bonne opération si elle n’est pas abandonnée dans la résolution de la crise. C’était une bonne affaire à saisir et c’est ce qui a été fait et ils n’ont pas à rougir à la SNH.

Redigé par:

Epiphanie Gueyop

Source:

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