La mesure jugée extrême de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), découle de l’accumulation de la dette sociale par une grande partie des communes, qui ont pourtant obtenu des moratoires.
La Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) a posé depuis deux semaines des scellés sur certains services de la commune d’arrondissement de Yaoundé 7e, y compris les bureaux des adjoints au maire. Raison : cette municipalité accumule une dette sociale de plus de 56 millions de Fcfa assortie de pénalités à hauteurs 50 millions de Fcfa, soit un total d’un peu plus de 106 millions de Fcfa. Cette mesure perturbe extrêmement le service dans cette commune, tout comme dans celles de Ngoumou (Mefou et Afamba), d’Akonolinga (Nyong et Mfoumou), d’Elig-Mfomo (Lekié) ou encore Yoko (Mbam et Kim), sous le coup de la même sanction.
Bref, dans la seule région du Centre, une trentaine de mairies sur 70 fonctionnent actuellement au ralenti du fait de la campagne répressive de la Cnps. L’organisme en charge du recouvrement des cotisations sociales reproche à ces collectivités territoriales décentralisées de n’avoir pas respecté l’échéancier de paiements convenu d’accord partie dans les moratoires qu’il leur a délivrés l’année dernière pour certaines et des années avant pour d’autres.
« Ces moratoires ne peuvent pas être respectés en l’état actuel des choses. Il faut changer le fond des conventions parce qu’aucune mairie n’a des ressources mensuelles. Les mairies ont des ressources trimestrielles et beaucoup n’ont que les centimes additionnels communaux (Cac, Ndlr] qui ne sont pas toujours payés à temps. Il faudrait à la limite mettre les échéances par semestre, prendre au moins deux mois d’observation avant la remise en cause des conventions. La Cnps dit que si une commune saute une seule échéance, la convention est immédiatement remise en cause », décrie le maire de la commune d’arrondissement de Yaoundé 7e et non moins président de l’association Communes et villes unies du Cameroun (Cvuc), Augustin Tamba.
Receveurs municipaux
Dans la pratique, c’est le ministère des Finances qui fait les états des centimes additionnels communaux et le Fonds d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom), en tant que banque des communes, procède aux paiements à travers le compte unique du trésor. « Les retards que l’on dénonce proviennent surtout du ministère des Finances, soit en raison d’un déficit de trésorerie, soit du fait de la mauvaise volonté de certains fonctionnaires exerçant dans la chaîne de paiement, qui peuvent, pour une raison ou une autre, torpiller le mandat de certains maires », commente une source au Feicom. La plupart d’élus locaux, qui se disent fragilisés par le système actuel, penchent pour un paiement mensuel des centimes additionnels communaux. Car, c’est grâce à ces ressources que les salaires du personnel sont payés, au-delà du fonctionnement même des communes.
Beaucoup de maires dénoncent également le cas des receveurs municipaux qui, parfois, préfèrent utiliser l’argent destiné aux cotisations sociales à la Cnps pour payer les prestataires. « Le maire n’a pas de moyens coercitifs vis-à-vis d’un receveur municipal quand celui-ci est rebelle. Parfois ça dure des années et ça plombe même le mandat de certains maires. C’est aussi des choses à arranger », dénonce un maire insolvable.
Dans le but d’assurer une sécurité sociale optimale aux personnels des communes, la Cnps avait allégé la dette de 192 municipalités à hauteur de 7 milliards de Fcfa, dans le cadre d’une convention paraphée avec les Cvuc le 02 juin 2021. Mais au vu des récentes évolutions (plus de 60% des communes ont une lourde ardoise sociale auprès de la Cnps), cette mesure n’a pas permis d’améliorer choses.
Au-delà de la question des ressources, l’une des causes de l’accumulation de la dette sociale est liée, selon les maires, à la non régularité des contrôles de la Cnps. A preuve, plus de 60% des exécutifs municipaux ont été changés lors des élections de janvier 2020. Et la plupart ont hérité de dettes laissées par leurs prédécesseurs et, un peu plus de deux ans après leur entrée en fonction, ils n’ont pas les moyens de les régler.
Peines privatives
Les maires se disent convaincus de ce qu’on n’en serait pas là si les contrôles étaient réguliers. « Il est à noter que la Cnps peut obtenir la condamnation y compris à des peines privatives des maires insolvables. Mais qui devrait être condamnés ? Si le maire a émis l’ordre de paiement et que le receveur municipal refuse de s’exécuter, ce n’est pas le maire qui devrait être condamné, mais bien le receveur. Et le maire qui est parti et qui a laissé une dette, que fait-on de lui ? C’est bien lui qui est pécuniairement responsable ! », souligne un élu. A en croire le président des Cvuc, une rencontre tripartite Minddevel-Feicom-Cvuc est en préparation, en vue de peaufiner des stratégies pour rendre efficace le recouvrement. Mais en attendant, bien de communes sont dans une situation de paralysie. « La fermeture d’une mairie ne devrait pas être une solution envisageable. C’est quand même l’Etat ! Qu’est-ce qu’on fait du service public ? Les mariages, l’établissement des actes de naissance, etc. Ce n’est pas acceptable. On peut sceller les comptes bancaires, on peut sceller le patrimoine », rouspète un édile de la région du Centre. Qui confie, par ailleurs, que certains maires ont suggéré à la Cnps d’aller chercher l’argent au trésor. « Cet argent est créditeur et nous ne comprenons pas pourquoi la Cnps refuse d’aller le chercher là-bas, mais préfère utiliser des contraintes vis-à- vis des communes. »