Les expressions « réchauffement climatique », « érosion de la biodiversité » ou « développement durable » sont périmées, juge le biologiste Olivier Hamant qui, dans une tribune au « Monde », propose une mise à jour sémantique. Et si l’échec des COP était aussi un problème de vocabulaire ? A l’heure des turbulences sociales, écologiques et géopolitiques, et dans un monde qui change rapidement, le décideur a plus que jamais besoin d’être à jour. Or nous entendons encore des discours parlant de « réchauffement climatique », d’« érosion de la biodiversité » ou de « développement durable ».
Voici, à toutes fins utiles et à l’adresse des décideurs, une proposition de mise à jour pour dépasser ces expressions périmées. « Crise » climatique. Commençons par le « réchauffement climatique » qui pourrait donner l’impression que notre problème principal est le thermostat, c’est-à-dire la température moyenne de la Terre. Les scientifiques notamment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) parlent aujourd’hui de « crise » climatique, car le principal problème n’est pas la température moyenne : ce sont les multiples fluctuations tempêtes, inondations, sécheresses, crises sociales qui seront plus fréquentes et de plus grande amplitude.
Continuer à parler de réchauffement climatique alors que le Canada fait l’expérience d’un dôme de chaleur à 50 °C en 2021 ou que l’Europe fait l’expérience de deux mois de canicule en 2022, c’est du déni sémantique. Parlez-vous encore d’« érosion de la biodiversité » ? Le rythme de disparition des espèces sur Terre est de cent à mille fois supérieur à la période préindustrielle et de 30 % à 40 % des espèces sont aujourd’hui menacées de disparition.
Effondrement
Les scientifiques, notamment l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), parlent désormais d’effondrement de la biodiversité, simplement parce que c’est un fait établi. La menace directe pour les humains est la disparition des services écosystémiques associés : alimentation, biomatériaux, médecine, purification de l’eau et de l’air ou régénération des sols dépendent d’un niveau de biodiversité élevé. Encore une fois, parler d’« érosion » et non d’« effondrement », c’est prendre de l’aspirine pour éviter de voir la réalité en face.
Pensez-vous encore que la crise socio écologique dans laquelle nous sommes est le produit de la domestication du feu, de l’agriculture, voire de la révolution industrielle ? Encore une fois, si ces évolutions anciennes ont eu leur rôle, les scientifiques (notamment le chimiste américain Will Steffen et le Stockholm Résilience Centre) montrent que cette crise décolle vraiment en 1950, dans ce que certains économistes appellent encore les « trente glorieuses », et que les autres, plus éclairés, appellent la « grande accélération ». Ignorer le caractère récent de la crise, c’est refuser d’en faire un objet politique. C’est acter notre impuissance dans les mots.