Scène curieuse vendredi dernier, au quartier mvog Mbi, en plein cœur de la capitale Yaoundé. Un groupe d’environ 200 motos- taximen sont déployés dans la rue, les motos parées de feuilles d’arbres cueillies çà et là. Les klaxons ininterrompus plongent les passants dans un vacarme à rendre sourd. La route naturellement est fermée à la circulation. Sur chaque moto ils avaient collé une photo. C’était l’un des leurs, décédés, par accident. Ils sortaient visiblement de la morgue d’Ekounou. On parlait alors d’hommage, oui mais de quelle façon !
Notre attention est particulièrement happée par deux faits. La scène se déroule devant quatre éléments de police, impuissants. La deuxième c’est que la scène a lieu sur la voie publique, comme dans un village où un individu peut se lever le matin et décider de fermer la traverser de la forêt. Une véritable démonstration de force des moto-taximen en plein cœur de Yaoundé, qu’il faut soigneusement analyser et interpréter. Chaque weekend des gens se mobilisent pour les veillées mortuaires et les levées de corps.
Mais si toutes ces familles barraient la route à chaque carrefour sous le prétexte de la grandeur ou la préciosité de son corps que deviendraient nos rues les weekends ? Simplement impraticables. Mais ce n’est pas la première fois que les hommes en moto affichent de tels comportements. Plusieurs fois à Douala, et à Yaoundé, il y a eu des échauffourées violentes entre les forces de maintien de l’ordre et eux, entre les communes et eux. Ils sont solidaires, ils agissent ensembles, avec une bonne dose de violence qui a souvent mené au pire…
Les moto-taximen ont réussi avec le temps à constituer une force nationale. Ils imposent leur vision à l’État, ils savent faire foule. Dans l’un de ses ouvrages, Thomas Hobbs, grands penseurs de la société société moderne parle de la nécessité de la manipulation du peuple par l’État, et mets les dirigeants des pays en garde : « se méfier d’un peuple qui sait faire foule, parce qu’il y a un gros risque, celui que ce peuple échappe au contrôle de la manipulation de l’État ».
Au fait il s’agit d’échapper au contrôle de la force étatique. Or l’État doit toujours être le plus fort, il doit toujours avoir raison, il doit demeurer le monstre qui fait reculer même les plus rebelles…Dans le véhicule où nous étions, un citoyen s’est indigné de ce que dans un avenir proche, « les moto- taximen risquent se constituer en rébellion capable de déstabiliser le pouvoir et les institutions de l’État ».
S’il est vrai que c’est un peu aller trop vite, il est aussi à prendre au sérieux cette vision qui peut se manifester autrement. Ils sont impliqués dans bien de faits sociaux graves…Il est vrai que leur rôle et leur place dans la société ne se négocient plus en raison des services qu’ils rendent aux populations, et en raison de l’influence de leur activité dans plusieurs domaines de l’économie nationale et mondiale, mais il est aussi et surtout question de savoir que c’est à l’État que tout appartient et qu’il est impératif de respecter les lignes rouges tracées par l’État.