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Edito : Etat islamique en Afrique

Tout a commencé en Afrique début 2015 avec le souhait d’AbuBakarShekau, à la tête du JAS, de vouer allégeance au calife de l’OEI, Abou Bakr Al-Baghdadi. Un souhait reçu avec beaucoup de prudence de la part de ce dernier, vu la réputation de Shekau qui avait auparavant entamé un rapprochement rapidement abandonné avec AQMI. L’initiative sera finalement acceptée, mais sous conditions. Après AnsarBeït Al-Maqdess au Sinaï en janvier de la même année, c’est le deuxième groupe djihadiste qui voue allégeance avec armes et bagages à l’OEI.

Un religieux « facilitateur » de ce rapprochement, Abou Malek, nous a exposé les principales conditions émises par l’OEI, entre autres la fin des prises d’otages d’enfants des autres communautés (à l’instar des filles de Chibok), le retrait médiatique de Shekau, la nomination d’un porte-parole désigné et l’exigence que toute communication doive passer par les organes médiatiques de l’OEI.Ces conditions respectées un temps et couplées avec l’apport immatériel de l’OEI central en matière de tactique, d’organisation et d’administration, contribueront à l’amélioration des capacités et de l’emprise du groupe d’une manière considérable. Mais Shekau ne tardera pas à déroger à la charte en s’attaquant à des rivaux au sein de son groupe. Plusieurs commandants et un imam sont exécutés pendant la prière de l’Aïd al-Adha.

Le même Abou Malek qui a déchanté nous a rapporté ces informations, avec plusieurs enregistrements privés à l’appui, pour démontrer le ghoulou ou l’extrémisme de Shekau. Il voulait ainsi nous expliquer la destitution de Shekau par l’OEI en 2016, au moment où l’organisation elle-même faisait face aux mêmes accusations en son sein. Shekau acculé active sa ceinture explosive et meurt arme à la main en tuant certains de ses anciens compagnons dans la forêt de Sambissa le 19 mai 2021. Son groupe lui a survécu.

Cette guerre intestine n’a pas empêché la province « Afrique de l’Ouest » de l’OEI de devenir la branche la plus puissante et la plus territorialisée du groupe, avec un rudiment d’administration et un rayon d’action qui ne cesse de croître, que ce soit en termes d’opérations militaires, d’attaques contre les communautés chrétiennes ou d’attaques visant les représentations officielles qui touchent désormais le centre du pays et l’État de Kogi, où une voiture piégée a raté de peu le président nigérian sortant, MuhammaduBuhari, à Okene le 29 décembre 2022. L’OEI adapte sa stratégie selon la contrée africaine où il s’implante. Sa branche sahélienne, aujourd’hui « État islamique province du Sahel », n’a pas eu cette dénomination avant la mort de son fondateur, Abou Al-Walid Al-Sahrawi, tué par les forces françaises au Mali le 17 août 2021.

Il s’avère que l’OEI n’avait pas une totale confiance en lui, l’estimant toujours proche de ses anciens compagnons de route d’Al-Qaida, Baghdadi ne voulant pas renouveler l’erreur commise en Syrie avec Abou Mohamad Al-Joulani. Mandaté pour rejoindre la Syrie par l’État islamique d’Irak en 2012, Joulani s’en émancipe et voue allégeance à Al-Qaida en 2013 avant de s’en émanciper aussi pour fonder le groupe connu aujourd’hui comme Hay’atTahrir Al-Cham (HTC). HTC renie le « djihad global », combat activement les deux organisations dans le réduit rebelle d’Idlib et cherche un rapprochement avec la communauté internationale.

L’allégeance de Sahrawi au groupe restera sans reconnaissance publique plus d’une année, jusqu’en octobre 2016. La présence au Sahel ne sera pas officiellement démontrée avant mars 2019, depuis le Burkina Faso, année d’une montée en puissance inédite du groupe, avec des attaques et des affrontements qui ont fait plusieurs dizaines de morts chez les militaires maliens et 14 chez leurs homologues français en novembre au Mali, à Tabankort et Indelimane. D’autres attaques ont également eu lieu au Niger et au Burkina Faso. Toutes ont été revendiquées par l’OEI « province Afrique de l’Ouest ».

Avant cette période, même l’opération de Tongo-Tongo en octobre 2017, pendant laquelle quatre « bérets verts » américains et quatre militaires nigériens ont été tués, n’a pas suscité de réaction officielle de la part des organes de l’OEI central. Le groupe Province Afrique de l’Ouest l’inclura toutefois en janvier 2020 dans sa toute première longue vidéo (31 minutes) diffusée depuis le Sahel.Cette vidéo de propagande marquera le point de non-retour avec AQMI et la fin de l’exception sahélienne. Jusque-là, cette région était la seule au monde où les deux groupes ne s’affrontaient pas directement. Depuis, leurs combats sont devenus d’une violence inouïe. Les batailles qui les ont opposés dans le Ménaka (Mali) ou dans la région d’Ansongo tout le long de l’année 2022 ont fait des centaines de morts des deux côtés, sur des territoires où les populations civiles sont désormais sommées de prendre parti.

Aucun des deux groupes n’a jusqu’ici pris le dessus sur son rival, mais chacun d’eux a évolué. L’OEI Sahel a augmenté son rayon d’action d’une manière inédite en tapant aux portes des villes de Gao et de Ménaka, tout en sanctuarisant une partie du territoire malien. Le Jama’atNusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) a augmenté sa portée politique dans des zones où sa présence était relativement timide, en se positionnant comme le défenseur des populations face à l’OEI qui a commis plusieurs massacres dans la région.

Dans une interview qui nous a été accordée par l’émir d’AQMI. Abou Oubaïda Youssef Al-Aanabi, ce dernier qualifie les combattants de l’OEI de khawarij, des « déviants » de la foi, ce qui rend par conséquent leur sang versé devient « licite » et les combattre « une priorité »: en Somalie, au Mozambique, en RDC, au Cameroun, au Nigeria, au Tchad, au Niger, en Libye, au Mali, au Burkina Faso et au Bénin. L’OEI a déjà commis des attaques en Égypte, en Algérie et en Tunisie. Des flux financiers à son profit ont été décelés et/ou démantelés au Kenya et en Afrique du Sud. Mais en dehors de la Libye, les seules agglomérations urbaines tombées un temps sous le contrôle de l’OEI sont Mocimboa da Praia et Palma au Mozambique.

Nous sommes donc encore très loin du modèle califal levantin, synonyme de continuité territoriale et d’emprises urbaines.Ces exemples sont loin de résumer l’activité de l’OEI sur le continent africain, mais ils montrent que le groupe a au moins depuis 2013 une stratégie pour son expansion africaine, consistant à récolter l’allégeance de groupes préexistants. Malgré l’éloignement, les entraves sécuritaires et les pertes humaines dans ses rangs, son commandement maintient son autorité sur ses filiales africaines, et entretient un intérêt constant pour l’Afrique, désormais épicentre de l’activité djihadiste dans le monde.

Le continent n’est pas une roue de secours pour l’OEI, comme certains se plaisent à le répéter, mais un objectif antérieur à sa perte de territoire, et en adéquation avec son dogme prophétique du « renouveau de la Oumma ». Pour certains idéologues de l’OEI, la sunna (la loi) de l’istibdal, cette notion de remplacement des musulmans qui ont délaissé leur religion par d’autres qui sont prêts à la défendre, souvent mise en avant par les groupes djihadistes, trouve sa traduction en Afrique.

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