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Editorial : Augmenter la production agricole en Afrique

Dans les boulangeries sur un marché partout en Afrique, la flambée des prix du pain, déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, affecte le pouvoir d’achat des consommateurs en Afrique, grand importateur de blé des anciens Etats soviétiques.

Pour la première fois depuis trente ans, nos pays vont subir un double choc : celui de l’offre interne et celui de l’offre externe. En Afrique de l’Ouest, aucun pays ne produit d’engrais – excepté le Nigeria, qui préfère l’exporter vers le Brésil. Or, le coût de ces intrants a connu une hausse considérable : de 80 % pour les engrais phosphorés et de 100 % pour la potasse, entre juin 2020 et mars 2022. Les paysans n’ont pas les moyens de s’en procurer à des prix aussi élevés. Et la plupart des Etats ne disposent pas des marges budgétaires suffisantes pour augmenter leurs subventions.

Les conséquences sur le volume de la production locale risquent donc d’être importantes. A cela viennent s’ajouter les effets de la dépendance aux céréales russes et ukrainiennes, avec de nouvelles hausses des prix sur des denrées de première nécessité en milieu urbain. L’inquiétude est généralisée, mais elle ne date pas de la guerre en Ukraine, qui ne fait qu’amplifier les difficultés. La pandémie de Covid-19 a déjà déstructuré les circuits d’approvisionnement et provoqué une forte inflation. Début décembre 2021, le Bénin a sollicité une réunion en urgence des ministres de l’agriculture et du commerce de la région, pour essayer de trouver des solutions.

L’appel à la solidarité internationale est bienvenu s’il permet d’amortir les chocs, en aidant les pays à subventionner les produits de première nécessité et les engrais, pour ne pas hypothéquer les prochaines récoltes. L’enjeu à court terme est d’éviter des émeutes de la faim. Personne n’a oublié que la crise alimentaire de 2008 a contribué aux « printemps arabes ». Or, le choc actuel intervient dans un contexte encore plus fragile. Plusieurs pays sont déjà déstabilisés par des coups d’Etat; la menace djihadiste s’étend dans le Sahel et touche désormais les régions septentrionales des pays côtiers ; des centaines de milliers de personnes fuient l’insécurité, dans un environnement de plus en plus hostile en raison du dérèglement climatique.

Cette philosophie renvoie, de triste mémoire, aux accords de partenariat économiques, les APE, qui ont entretenu l’extraversion alimentaire de l’Afrique. Ces APE ont eu pour effets pervers de drainer l’exportation des surplus de la politique agricole commune européenne vers le continent, et la faible incitation à développer une offre locale. C’est ma hantise : qu’on utilise cette crise pour justifier une politique vieille de quarante-cinq ans, qui n’a pas permis à l’Afrique d’obtenir sa souveraineté agricole ni alimentaire, en raison de sa dépendance aux surplus du reste du monde.

Or, le cœur de la question est bien là. L’enjeu, aujourd’hui, est d’augmenter la production en Afrique, de sorte que le continent puisse nourrir sa population qui va doubler d’ici à 2050. Il faut prendre la mesure du défi : selon une étude de l’Institut de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), publiée en 2021, l’Afrique va voir sa demande alimentaire augmenter dans les mêmes proportions, sinon plus, si elle veut que ses citoyens disposent des rations nutritionnelles requises pour vivre en bonne santé.

Selon l’étude, deux options s’offrent au continent : augmenter la productivité et les superficies cultivées – les terres arables ne manquent pas pour cela ; ou accroître ses importations de produits alimentaires de 15 % aujourd’hui à 40 % en 2050. Peut-on imaginer où nous conduirait une plus grande dépendance vis-à-vis du reste du monde, alors que la pandémie et le conflit entre la Russie et l’Ukraine nous plongent dans une crise inédite depuis la guerre du Golfe, il y a trente ans ?

C’est dans la première direction qu’il faut aller en prenant soin de préserver la durabilité des écosystèmes. Il ne faudrait pas reproduire les erreurs de la « révolution verte », qui a misé sur les engrais chimiques et a conduit à l’appauvrissement des sols. Je défends une voie fondée sur l’intensification agro écologique. Ce qui me paraît positif dans cette manière de présenter les choses est qu’elle permet de réaffirmer un besoin de solidarité à l’égard des pays les plus fragiles. Il s’est manifesté à travers la création du mécanisme Covax et il pourrait donc se matérialiser à nouveau comme réponse de court terme à la crise alimentaire.

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