Les forces tigréennes ont commencé, mardi 11 janvier, à restituer leur armement lourd à la mission de l’Union africaine, comme convenu par l’accord de paix signé à Pretoria le 2 novembre. Mais cette mesure, très médiatisée, devait théoriquement s’accompagner du désengagement hors du Tigré des «forces étrangères», si l’on en croit la lettre du texte mettant fin aux hostilités.
Des rangées de canons de moyenne et longue portées sous leur bâche, des tanks alignés, des batteries de missiles, vides, montées sur des camions, le tout paisiblement compté et inspecté par les bérets verts de l’Union africaine : voilà le spectacle qui a été donné, devant les caméras de télévision de Tigray TV, dans un terrain vague près de la localité d’Agulae, dans l’est du Tigré.
Des déclarations consensuelles sur la bonne coopération et la volonté commune de paix ont été ensuite faite par les anciens belligérants, au cours d’un point de presse. Les militaires kenyans et nigérians de l’Union africaine ont félicité ces derniers et confirmé que le processus prévu par les textes signés à Pretoria et Nairobi en novembre avait bel et bien commencé.
Il s’agissait là de la manifestation d’une étape importante : l’application de l’article 2 des accords de paix, c’est-à-dire le début du désarmement des Forces de défense tigréennes. Mais désormais une grande inconnue demeure : quelle sera l’étape suivante, sachant que, selon l’accord, ce devrait être « concurremment » le retrait des forces érythréennes et amharas ? Or, celles-ci sont toujours actives dans certaines parties du Tigré, selon de nombreux témoins.
Les civils tigréens n’ont donc « aucune garantie pour leur sécurité » avec ce désarmement, met en garde le chercheur Kjetil Tronvoll, professeur à l’Oslo New University College. Pour lui, dans ce contexte, la restitution des armées lourdes tigréennes, qui manquaient de munitions de toute façon, est surtout « un geste technique », destiné à montrer la volonté des Tigréens d’aller de l’avant.
Bien que ce geste soit « politiquement important », confirme William Davison, de l’International Crisis Group, il faut en effet « garder à l’esprit que les armes lourdes ne sont pas utiles sans approvisionnement en carburant et en munitions, et qu’elles sont impraticables en cas de guérilla depuis les montagnes ». Dans la situation actuelle, il ne s’agit donc pas vraiment d’un affaiblissement significatif des capacités militaires tigréennes. « Combien restera-t-il de forces tigréennes après la démobilisation et quels armements elles auront, ou pourraient acquérir », dit-il, voilà des « questions plus pertinentes pour la situation sécuritaire. »