Depuis la création en 2009 du CBF, le Gicam n’a pas vraiment le sentiment que les lignes ont bougé. « En une décennie d’existence, cette rencontre imposée par IFC (la Société financière internationale), filiale du groupe de la Banque mondiale, Ndlr n’a pas permis au Cameroun d’améliorer significativement son rang dans le classement Doing business. Au demeurant, le climat des affaires ne se limite pas uniquement aux critères arrêtés par cette institution », confiait naguère un membre du Gicam, sous couvert d’anonymat à nos confrères de Jeune Afrique.
Le syndicat des patrons, qui revendiquait 729 entreprises adhérentes en 2019, et qui représente 43,5 % du PIB, n’a eu de cesse d’exiger, comme dans son dernier livre blanc, la suppression de cette instance pour la remplacer par un cadre permanent de concertation entre les deux parties : le Cameroon Business Council (CBC). Cette entité serait toujours présidée par le Premier ministre, et secondé par le président du Gicam. Le secteur privé ne serait-il plus prêt à prendre part à cette plateforme d’échanges entre le gouvernement, les bailleurs de fonds, et les partenaires techniques du Cameroun, tant qu’elle ne fait sa mue ? Farine de blé, poisson, huile végétale, œufs de table, viande, matériaux de construction…depuis quelques mois, les prix de certains produits de grande consommation ne cessent de prendre de l’envol.
Si n’étaient concernées jusqu’ici que les produits importés, même ceux produits localement n’échappent à cette inflation démesurée. Selon un récent rapport de l’Institut nationale de la Statistique(INS), les prix à la consommation des ménages sont passés de 2,2% à 3,1% en un an, tandis que les coûts des produits alimentaires importés ont augmenté de 8,2% au cours de l’année 2021. Une situation qui pourrait devenir intenable sur la durée car, dans le même temps, le revenu des ménages moyens n’a pas connu une augmentation. En attendant, plusieurs associations de défense des droits des consommateurs sont déjà montées au créneau pour dénoncer des augmentations scandaleuses sur la plupart des denrées de grande consommation sur fond de spéculation.
La situation n’est pas prête de s’améliorer du fait de l’augmentation du cours du fret maritime qui a connu une hausse de 400% selon le Groupement Interpatronal du Cameroun(Gicam). Coté importateurs, la situation est devenue intenable ; les menaces d’un arrêt d’approvisionnement ne cessent de se prononcer. Le tocsin a récemment été sonné par les industries meunières qui ont décidé de suspendre les livraisons de farine de blé sur l’étendue du triangle national afin de limiter les pertes ininterrompues qu’ils enregistrent du fait de l’augmentation ininterrompu du cours du blé. Jusqu’ici la réponse du gouvernement a consisté à des mesures visant à tordre le cou à la spéculation et accompagner les producteurs.
Aux décentes sporadiques du Mincommerce pour tenter de mettre la main sur les commerçants véreux responsables de l’inflation, s’ajoutent des exonérations aux profits des importateurs notamment l’application d’une décote de 80% sur le coût du fret, suspension de l’acompte d’impôt sur le revenu au profit des importations de blé entres autres. Pas assez suffisant pour contenir l’inflation selon les acteurs. Selon Aline Mbono, Directrice exécutive du Gicam, «le clinker connaît une augmentation de 97% sur le marché international. Vous couplez cette augmentation avec à la hausse du fret maritime qui est de 417%, vous avez des coûts qui, s’ils sont répercutés sur le sac de ciment, seraient de 1.500 FCFA de plus. La décision signée le 16 novembre 2021, s’il faut l’appliquer a juste un impact est de 50 FCFA». Côté meuniers, les abattements fiscaux accordés par le gouvernement ne couvrent que 7% de leurs pertes.
Alors que le spectre d’une hausse des prix semble inévitable, le secteur privé table pour un partage des coûts supplémentaires entre les différents acteurs à savoir : les entreprises, l’Etat et les consommateurs. Une concertation que les pouvoirs publics semblent vouloir esquiver jusqu’ici.