L’accord de paix négocié par les États-Unis entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, signé récemment à Washington, est accueilli avec un scepticisme marqué dans la capitale congolaise. Loin de saluer une avancée diplomatique, analystes politiques et habitants de Kinshasa y voient avant tout un « emballage des intérêts américains », dénué de véritable substance pour la paix régionale.
L’Ombre des Minéraux et du Prix Nobel
Pour Delphin Lokanga Tambwe, analyste politique, le cœur du problème ne réside pas dans la paix, mais dans des motivations beaucoup plus pragmatiques.
« En réalité, l’intérêt ici, ce sont les minéraux. L’intérêt est que [Donald] Trump voulait remporter le prix Nobel de la paix. Et pour cela, il devait apparaître comme un médiateur apportant la paix entre la RDC et le Rwanda. Mais en réalité, ce n’est que de la fumée et des miroirs », a-t-il affirmé, soulignant que cette démarche s’inscrit dans une politique américaine fondamentalement « capitaliste ».
L’analyste insiste sur le fait que l’ ADN de l’accord ne reflète pas la paix car il permet à chaque partie de conserver ses propres intérêts et lectures du document.
Des Intérêts Divergents
L’accord, selon Tambwe, est interprété de manière diamétralement opposée par les deux pays :
Pour la RDC : L’Accord de Washington est avant tout perçu comme un moyen d’obtenir le retrait des troupes rwandaises du sol congolais.
Pour le Rwanda : L’objectif principal est d’ amplifier l’intégration économique du pays et d’obtenir de Kinshasa la neutralisation des FDLR, un groupe armé perçu comme une menace par le régime rwandais.
« Il n’y a pas de paix parce que chaque camp préserve son ego », a conclu l’analyste, expliquant pourquoi l’accord, censé mettre fin immédiatement aux hostilités et au soutien aux groupes armés, ne fait pas l’unanimité.
Le Désarroi de la Population
Ce doute institutionnel est largement partagé par les habitants de Kinshasa, qui expriment leur tristesse face à la persistance de la violence dans l’Est, riche en minéraux. La population appelle à une réforme interne comme première étape cruciale vers la résolution du conflit, pointant du doigt les failles nationales avant les ingérences extérieures.
« Si nos mentalités ne changent pas, rien ne fonctionnera », a déclaré Israel Pungu.
Michel Kitambala a quant à lui déploré des actes de trahison interne : « Ce sont nos frères qui nous trahissent à l’est. Ils donnent leurs cartes d’électeur aux étrangers. C’est plus que vendre le pays », a-t-il affirmé avec amertume.
Malgré l’engagement de l’accord à cesser les hostilités, le scepticisme de Kinshasa semble se confirmer sur le terrain : des rapports indiquent que les forces du M23 sont entrées dans Uvira après une offensive, menaçant la seule ville gouvernementale de cette région stratégique.