Dans son nouvel ouvrage publié aux Editions Lupeppo, Olivier Bilé relance le débat sur la monnaie, pierre angulaire du processus de production et gage de souveraineté. L’auteur lance un cri de cœur mais aussi de raison à destination des dirigeants africains et préconise un divorce pur et simple avec le FCFA. « Monnaie et prospérité en Afrique de la Zone Franc : Briser les derniers liens de la captivité ». Tel est le titre du nouvel ouvrage de 194 pages du Pr. Olivier Bilé, leader politique, universitaire, écrivain et documentariste. Paru aux Editions Luppepo en juin 2023, ce livre structuré en huit chapitres s’étend sur la question de la monnaie telle qu’elle est exploitée notamment en contexte africain.
L’auteur pense que les dirigeants du continent, dans leur grande majorité, sont encore très ignorants de ce qu’est véritablement une monnaie indépendante. En conséquence, ils ignorent ce dont ils se privent et ce dont ils privent leurs pays en ne se mobilisant pas pour conquérir voire arracher leur souveraineté monétaire. A moins, bien entendu, « d’être conscients de leurs actes de compromission, en cohérence avec les conditions souvent collusives de leur accès au pouvoir », analyse-t-il au chapitre 1.
Tout comme leurs gouvernants, les citoyens, selon l’universitaire, ne sont pas informés de l’évolution du concept même de monnaie. Olivier Bilé propose une définition empruntée à Joseph Tchundjang Pouémi, auteur de l’ouvrage « Monnaie, Servitude et Liberté : La répression monétaire de l’Afrique ». Pour ce dernier, « la monnaie est créée par le système bancaire sous la direction de la banque centrale. Elle est créée en vertu de rien, ou plutôt en vertu du crédit et non pas en vertu d’un bien quelconque. C’est un bien vide au départ. La monnaie est créée à l’usage de tous ceux qui ne font pas partie du système bancaire pour effectuer leurs paiements ».
C’est donc fort de ces prolégomènes que l’homme politique interpelle les Africains à se défaire de conceptions erronées et hors d’âge. L’objectif : « se réapproprier cette définition de la monnaie du début du 20e siècle qui la présente comme un instrument décisif du financement des activités économiques qu’il convient de mettre au service des producteurs et des consommateurs à travers le mécanisme du crédit bancaire », écrit-il.
Souveraineté : les conséquences de la répression monétaire
Les Etats africains ont-ils déjà l’appareil économique nécessaire pour prétendre aspirer à une monnaie indépendante et souveraine ? Les « esprits conservateurs » se gardent bien de répondre par l’affirmative, nous apprend l’enseignant-chercheur. Coté dirigeants, la crainte révérencielle empêche de faire ce qu’il appelle « le saut de la libération et de l’émancipation monétaires ». Ce qui promet encore (si rien n’est fait) de beaux jours aux accords coloniaux signés la veille des indépendances entre les Etats africains et la France. Des accords notamment monétaires et économiques qui, rappelle Olivier Bilé, visaient à perpétuer les relations d’exploitation présentés sous l’angle de la coopération.
Pas étonnant, constate l’auteur dans le chapitre 3, qu’« aucun Etat africain membre de la Zone franc croupissant sous la contrainte monétaire du FCFA ne fait partie du peloton des dix à vingt pays africains les plus performants et les plus compétitifs ». Pas étonnant, également, de constater le caractère peu reluisant du visage de nombre d’Etats africains : chômage massif, pauvreté endémique et sous-emploi structurel. La faute au « mal monétaire » qu’incarne le FCFA mais aussi aux élites du continent qui s’obstinent à ne pas comprendre que « la superstructure monétaire précède l’infrastructure économique et sociale », fait remarquer Olivier Bilé. A l’évidence, l’écrivain joue de réalisme en conjuguant écriture simple et analyse froide, pour décrier le triptyque « marginalité », « captivité » et « répression » qui mine l’environnement socioéconomique africain.
Marginalisation : un sort qui n’est pas irréversible
Se départir de mesurettes conjoncturelles dans un monde où s’impose la suprématie bretton-woodienne du dollar ou de l’euro, apparait aux neurones expérimentés d’Olivier Bilé, comme « l’objectif stratégique le plus recherché par nos Etats ». Voire, un enjeu de civilisation pour l’Afrique. Le temps est venu de profiter de l’avènement probable d’une multipolarisation équilibrée, conséquence positive de la crise russo-ukranienne ayant éclaté en 2022.
L’auteur prône également la mutualisation stratégique des capacités et ressources africaines pour accomplir ce que Joseph Tchundjang Pouémi nomme « l’organisation de la résistance commune », lit-on au chapitre 8. Mais en attendant d’aller vers une monnaie unique africaine, il faudrait d’abord passer par une expérience de monnaie nationale, explique l’auteur. D’où l’image choisie pour la première de couverture de son ouvrage : l’on y découvre un billet de « mille Camers », le « Camer » étant la monnaie camerounaise qu’il préconise pour le bien de l’économie du pays. Synonyme d’indépendance et de souveraineté monétaires mais aussi de transformation du Cameroun.
Olivier Bilé en route pour 2025 ?
Les logiques de la problématique monétaire comme fil rouge d’une candidature à l’élection présidentielle, notamment celle de 2025 qui n’est plus si lointaine ? Olivier Bilé a à peine caché ses intentions, son projet, au terme de la cérémonie de dédicace de son ouvrage le 04 juillet 2023, dans les jardins de l’Hôtel Azur de Bastos, à Yaoundé. Pour lui, il est question de donner la possibilité à un « leadership nouveau » d’activer le bouton du plein emploi, de l’exploitation optimale de nos ressources endogènes et de la mise sur orbite des aspirations de puissance d’un Cameroun qui se veut plus que jamais maitre de son destin. « Je pense que le Cameroun a les leviers et a les moyens humains nécessaires pour accéder à son émancipation et à sa libération ».
Le premier est un levier de nature psychologique, culturel et mentalitaire. Dans le temps où nous nous trouvons, il est absolument capital que les Camerounais comprennent que si demain, nous sortons des discours de haine pour investir dans le champ de l’investigation pour l’action, et notamment autour des libérateurs, pour la promotion d’une monnaie libre, indépendante, souveraine, je suis convaincu que nous aurons accompli 80% du travail », a-t-il martelé. Il poursuit : « Le reste, c’est la technologie monétaire, le savoir-faire, le know-how que nous avons largement explicité dans ce livre et qu’il faudra simplement mettre en application le moment venu, lorsque, bien évidemment, nous serons en position de le faire et lorsque les Camerounais nous aurons permis d’accéder aux fonctions qui permettent de gouverner pour créer l’abondance et la prospérité dans son pays ». La voie royale pour sortir de la marge et prendre le large.