Au mois d’avril dernier, une étude publiée dans la revue Nature Communications par des chercheurs de l’université de Floride, de l’université d’État de Pennsylvanie et de l’Imperial College a établi une corrélation entre l’élévation de la température et la propagation du Plasmodium falciparum, vecteur de la transmission du paludisme.
Les chercheurs expliquent qu’ils ont utilisé un modèle à partir de données expérimentales pour déterminer la température et les effets qu’elle peut avoir sur l’établissement du parasite, l’efficacité de conversion à travers les stades de développement du parasite, le taux de développement du parasite et la compétence globale du vecteur. « Diverses caractéristiques des moustiques et des parasites sont fortement affectées par la température ambiante. Pour cette raison, il est largement admis que la transmission du paludisme varie en fonction des conditions environnementales et qu’elle est susceptible de varier davantage à l’avenir à mesure que les températures changent en raison du changement climatique » a déclaré Matthew Thomas, Professeur et Directeur de Invasion Science Research Institute (ISRI) à l’université de Floride dans un entretien avec Mongabay.
« Prédire ces changements nécessite une compréhension précise des différentes dépendances à la température. Par exemple, un trait très important est la période d’incubation extrinsèque (EIP), qui décrit le temps nécessaire au parasite du paludisme pour se développer à l’intérieur du moustique et pour que le moustique devienne infectieux après un premier repas de sang sur un hôte infecté. Plus cela se produit rapidement, plus le moustique a des chances de transmettre le parasite lors d’occasions ultérieures de prise de sang. Il est bien établi que l’EIP dépend de la température. Cependant, le modèle largement utilisé pour décrire cette dépendance à la température dérive d’une seule étude publiée dans les années 1960, et utilisant des données expérimentales historiques initialement collectées dans les années 1930 sur une espèce de moustiques d’Eurasie » a-t-il ajouté.
« Dans notre étude, nous avons réexaminé la dépendance à la température de l’EIP (ainsi que quelques autres traits) en utilisant un vecteur du paludisme africain. Nous avons constaté que nos nouvelles données sur la dépendance de l’EIP à la température étaient différentes du modèle précédent, en particulier à des températures plus basses. Lorsque nous utilisons nos nouvelles données pour explorer l’impact futur du changement climatique sur la transmission, nous prévoyons que dans des environnements plus froids comme les hauts plateaux du Kenya, l’augmentation relative du potentiel de transmission, due au réchauffement climatique est inférieure à ce qui était prévu précédemment », a précisé Thomas.
L’étude a été réalisée sur quatre sites au Kenya, en Afrique de l’Est. « Nous avons utilisé des modèles pour intégrer nos nouvelles données et explorer l’impact du changement climatique prévu sur la transmission sur quatre sites du Kenya. Mais il est important de reconnaître que, selon les pays, les souches locales de moustiques et de parasites peuvent réagir différemment à la température. La transmission dans des pays ou des lieux individuels peut également être dominée par différentes espèces de moustiques », a dit Thomas, co-auteur de l’étude.
Il relève qu’il est important d’étudier les bonnes espèces, voire les bonnes souches, et d’être prudent lors de l’extrapolation de données d’un contexte à un autre complètement différent. « Nous avons mené des études en laboratoire infectant des milliers de moustiques avec des parasites humains du paludisme, les maintenant dans une large plage de températures, puis disséquant manuellement des centaines de moustiques à différents moments pour vérifier si les parasites du paludisme s’étaient suffisamment développés et avaient envahi les glandes salivaires. Il s’agissait d’une étude massive avec beaucoup d’attention aux détails, ce qui explique peut-être pourquoi elle n’a pas été examinée correctement depuis les premières études menées au début du siècle dernier », dit-il.
« Le défi est de tout coordonner et de rester au top, puis de répéter le tout deux fois pour avoir une réplication suffisante. Même si cela représente un défi, nous avons suffisamment besoin de travaux pour étudier l’écologie des moustiques et des parasites à l’aide de souches locales. Nous avons besoin de connaissances locales pour faire des prévisions locales en toute confiance. Je serais ravi de travailler avec des collaborateurs à cette fin au Cameroun, si cela est possible », a précisé Thomas.