Alors que les statistiques officielles se félicitent d’un taux d’emploi historiquement haut, un autre chiffre vient assombrir le tableau économique français : celui de la pauvreté. Selon les données d’Eurostat, la France est la seule grande économie européenne où le taux d’emploi et le taux de pauvreté ont augmenté simultanément au cours de la dernière décennie (2014-2024). Une paradoxe est au cœur des préoccupations des analystes.
L’ère des emplois « précaires »
Interrogé sur cette situation, Thierry Laurent-Pellet, analyste économique, pointe du doigt la nature des emplois créés : « On a peut-être créé beaucoup d’emplois précaires, » suggère-t-il.
Selon lui, la multiplication de ces postes fragiles a une conséquence directe et brutale : « De tels emplois ne permettent pas à la population de pouvoir soutenir un niveau de vie correspondant à l’inflation. » En clair, le travail ne garantit plus la sortie de la pauvreté.
La jeunesse en première ligne
C’est la population la plus jeune qui paie le prix fort de cette précarité. L’analyste est formel : « Ce sont les jeunes qui sont les plus frappés par la pauvreté. »
18,9% des moins de 25 ans sont touchés par la pauvreté en France, un chiffre significativement supérieur à la moyenne de la zone euro (14,8%).
Dans certaines cités, la pauvreté peut même atteindre des pics alarmants, jusqu’à 60%.
Un cocktail de facteurs aggravants
Cette explosion de la précarité est le résultat d’une convergence de plusieurs facteurs structurels et conjoncturels, selon Thierry Laurent-Pellet :
L’ubérisation de l’économie, qui multiplie les statuts indépendants mais souvent peu protecteurs.
Le manque de qualification d’une partie de la main-d’œuvre.
Une consommation en berne, freinée par l’anxiété économique persistante post-Covid et les conséquences de la guerre en Ukraine.
Un climat fiscal jugé peu incitatif pour les entrepreneurs.
Les chiffres d’une économie sous tension
Les conséquences de ces déséquilibres se lisent dans les indicateurs macroéconomiques du pays, qui soulignent une fragilisation de la base productive française :
Dette Publique Record : La dette atteint le montant inédit de 3 416 milliards de dollars.
Désindustrialisation : La France a perdu 220 fleurons industriels sans qu’une réindustrialisation significative ne prenne le relais.
Fermetures d’Entreprises : Rien qu’entre janvier et août 2025, 67 613 entreprises ont mis la clé sous la porte, signalant une forte tension dans le tissu économique.
Face à cette « nouvelle pauvreté » qui frappe les travailleurs, la question de l’efficacité du modèle social et économique français se pose avec une acuité particulière.
