Le point culminant du 40e voyage apostolique en RDC a eu lieu le mercredi après-midi 1er février à la nonciature apostolique de Kinshasa. Le Pape François a écouté quatre récits crus et déchirants de victimes d’exactions physiques et mentales dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC. Dans un discours dense, l’évêque de Rome s’est uni aux douleurs du peuple éprouvé, s’adressant fermement aux «entités» à l’œuvre dans cette guerre. «Cela suffit», a tancé François.
Le Souverain pontife a pris la parole après l’écoute des quatre victimes venues de différentes provinces de l’Est. Ces quatre représentants ont chacun apposé un geste fort de réconciliation, déposant au pied de la Croix les objets de leurs tortionnaires. Et c’est le sentiment du choc qu’a éprouvé en premier le Saint-Père. «Il n’y a pas de mots; il faut seulement pleurer en silence», a-t-il relevé, énumérant les noms des localités d’origines des victimes. «Bunia, Beni-Butembo, Goma, Masisi, Rutshuru, Bukavu, Uvira, des lieux que les médias internationaux ne mentionnent presque jamais.» Le Pape l’assène très clairement: «Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays». À ces Congolais de l’Est, le Pape a souhaité insister: «Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance».
Pardon pour la violence de l’homme sur l’homme
«À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis: je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous», a-t-il poursuivi, leur assurant ces paroles d’Isaïe «Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime». (Is 43, 4).
Le Pape François a condamné les violences armées, les massacres, les viols, la destruction et l’occupation des villages, le pillage des champs et du bétail qui continuent d’être perpétrés, tout comme «l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse du pays», ainsi que les tentatives de partition dans le but de pouvoir le gérer. Inclinant la tête, la douleur dans le cœur, le Saint-Père a demandé pardon pour la violence de l’homme sur l’homme.
«Père, aie pitié de nous. Console les victimes et ceux qui souffrent. Convertis les cœurs de ceux qui commettent de cruelles atrocités qui jettent la honte sur l’humanité tout entière! Ouvre les yeux de ceux qui les ferment ou qui se détournent devant ces abominations», a-t-il supplié. Le Pape a qualifié cette guerre de «déchainée par une insatiable avidité de matières premières et d’argent», alimentant «une économie armée laquelle exige instabilité et corruption». «Quel scandale et quelle hypocrisie: les personnes sont violées et tuées alors que les affaires qui provoquent violences et morts continuent à prospérer!», s’est-il indigné.
«Cela suffit de s’enrichir avec de l’argent entaché de sang!»
L’évêque de Rome a alors adressé un vibrant appel à toutes les personnes, entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en RDC, «en la pillant, en la flagellant et en la déstabilisant».«Vous vous enrichissez par l’exploitation illégale des biens de ce pays et le sacrifice cruel de victimes innocentes. Entendez le cri de leur sang: faites taire les armes, mettez fin à la guerre. Cela suffit! Cela suffit de s’enrichir sur le dos des plus faibles, cela suffit de s’enrichir avec des ressources et de l’argent entachés de sang!»
Pour atteindre la paix, le Successeur de Pierre a proposé quatre types d’actions basées sur deux «non» et deux «oui».
Non à la violence
Aimer son peuple, c’est ne pas nourrir de haine envers les autres. «C’est un tragique mensonge: la haine et la violence, à plus forte raison pour ceux qui sont chrétiens, ne sont jamais acceptables», a dénoncé le Pape, encourageant le peuple congolais: «Ne vous laissez pas séduire par les personnes ou les groupes qui incitent à la violence en son nom. Dieu est le Dieu de la paix et non de la guerre. Prêcher la haine est un blasphème. Celui qui vit de violence, en effet, ne vit jamais bien: il pense sauver sa vie mais il est emporté dans un tourbillon de mal qui, en l’amenant à combattre les frères et sœurs avec lesquels il a grandi et vécu pendant des années, le tue à l’intérieur».
Non à la résignation
Un deuxième «non» est celui contre la résignation. La paix demande de combattre le découragement, la morosité et la méfiance qui conduisent à croire qu’il vaut mieux se méfier de tout le monde, vivre séparés et éloignés plutôt que de se tendre la main. «Un avenir de paix ne tombera pas du ciel; il pourra advenir si les cœurs sont débarrassés du fatalisme résigné et de la peur de s’impliquer avec les autres», a-t-il assuré, plaidant pour un avenir nouveau qui adviendra «si l’autre, qu’il soit tutsi ou hutu», n’est plus un adversaire ou un ennemi, mais un frère et une sœur «dans les cœurs duquel il faut croire que se trouve, caché, le même désir de paix». Et François de s’exclamer: «Dans l’Est aussi, la paix est possible! Croyons-y! Et travaillons-y sans renvoyer le changement!»
Oui à la réconciliation
Le Pape a ensuite développé les deux «oui» pour la paix. Oui à la réconciliation. François a de nouveau confié son admiration devant ces victimes qui veulent s’engager à pardonner mutuellement et à répudier les guerres et les conflits, en priant ensemble, dans un instant, serrés autour de l’arbre de la Croix sous lequel, «avec grand courage, vous voulez déposer les signes des violences que vous avez vues et subies : uniformes, machettes, marteaux, haches, couteaux…»
Et le Pape de les exhorter à être eux aussi «des arbres de vie». «Faites comme les arbres qui absorbent la pollution et qui restituent l’oxygène». Ou bien, comme le dit un proverbe cité par le Pape et résumant la prophétie chrétienne: «Dans la vie, fais comme le palmier: il reçoit des pierres, il rend des dattes», à savoir répondre au mal par le bien, à la haine par l’amour, à la division par la réconciliation.