Quelques années après la fin, en 2018, d’une guerre civile qui a fait environ 380.000 victimes, les violences armées continuent d’ensanglanter ce pays riche en pétrole mais où la majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un pays où des milliards sont dépensés pour le maintien de la paix et les autorités se veulent optimistes. Mais la réalité est plus sombre: la guerre persiste.
Le conflit très violent qui oppose depuis 2013 l’armée sud soudanaise à des groupes d’opposition a fait des ravages dans la population et a entraîné la fuite de près de quatre millions de personnes dans la région ou à l’intérieur du pays, caractérisé par un système de santé quasi inexistant, des inondations chroniques et une insécurité alimentaire permanente. En 2005, un accord de paix entre le gouvernement du Soudan à Khartoum et l’armée populaire de libération du Soudan (APLS) met fin à 20 ans de guerre et ouvre la voie à une période intérimaire de six ans marquée par une paix relative et le retour d’une grande partie des personnes réfugiées et déplacée.
Mais deux ans après l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, une guerre éclate entre les deux groupes qui se partagent alors le pouvoir et ravive les tensions ethniques. De 2013 à 2018, en dépit des initiatives de réconciliation, le conflit a forcé des millions de Sud-Soudanais à fuir à nouveau leurs foyers et aurait causé la mort de centaines de milliers de personnes. Malgré un cessez-le-feu et un accord de partage du pouvoir depuis février 2020, l’insécurité et les affrontements armés se poursuivent dans certaines régions. On compte ainsi plus de 1,5 million de déplacés dans le pays et près de 2,2 millions de réfugiés dans les pays voisins, notamment en Ouganda (HCR, 2020).
En février, la mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) a averti que des groupes armés étaient à nouveau actifs dans la région du Haut-Nil, où l’artillerie a pilonné des villages lors d’offensives majeures impliquant des milliers de soldats. À Jonglei et dans le Grand Pibor, des jeunes lourdement armés ont kidnappé des femmes et des enfants lors de raids sanglants. Des dizaines de milliers de personnes ont fui dans des bases de l’ONU, aggravant ce qui est déjà la pire crise de réfugiés en Afrique.
Durant sa visite, le pape avait aussi déploré le « manque persistant de sécurité » et les promesses de paix « non tenues » dans le pays. Les critiques disent que la Minuss dresse un tableau parfois contradictoire de la situation. En novembre, elle s’était ainsi dite « encouragée » par la baisse du nombre de victimes civiles. Mais deux mois plus tôt, elle avait affirmé que des forces armées soutenues par le gouvernement avaient brûlé vif des personnes et violé collectivement un enfant à mort.
La mission de l’ONU a signalé en février que les violences avaient fortement cru fin 2022 en raison du conflit dans l’Etat du Haut-Nil, et a accusé les responsables locaux d’y être directement impliqués. Avec un budget d’environ 1,2 milliard de dollars par an, la Minuss est l’une des missions les plus coûteuses au monde. In fine, ce que la communauté internationale veut dire quand elle affirme qu’il y a la paix, c’est qu’il n’y a pas de guerre à Juba. Le président Salva Kiir et son rival Riek Machar ont formé un gouvernement de transition et sont tombés d’accord pour unir leurs forces en une seule armée afin de protéger la population qui a connu ces dernières décennies la guerre et les catastrophes climatiques.