Très peu de Tunisiens se sont déplacés dimanche pour élire un Parlement dénué de réels pouvoirs, infligeant un nouveau désaveu au président Kais Saied et aux réformes politiques qu’il impose depuis son coup de force de 2021, dans un pays surtout préoccupé par ses problèmes économiques.
Le président de l’autorité électorale Isie, Farouk Bouasker, a annoncé un taux de participation provisoire de 11,3% au deuxième tour des législatives, à comparer à un chiffre préliminaire de 8,8% au premier tour. La participation était le principal enjeu du scrutin après une abstention de quasi 90% au premier tour, un record depuis l’avènement de la démocratie dans le pays berceau du Printemps arabe il y a 12 ans.
Les jeunes qui avaient porté au pouvoir M. Saied, en 2019, ont massivement boudé les urnes avec un peu moins de 5% de votants ayant entre 18 et 25 ans. L’élection de 131 députés (sur 161 sièges dont 30 déjà pourvus) représente l’ultime étape du processus lancé il y a 18 mois par le président Kais Saied pour revenir à un système hyper-présidentialiste, similaire à celui d’avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali.
Estimant le pays ingouvernable, M. Saied s’est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, puis a révisé la Constitution l’été dernier pour abolir le système parlementaire hybride en vigueur.
«Campagne fade»
Les experts ont expliqué la faible affluence par divers facteurs. D’abord, malgré de fortes divisions qui l’empêchent de mobiliser dans la rue, l’opposition dont Ennahdha, le parti d’inspiration islamiste qui dominait le Parlement sur la dernière décennie, boycottait un scrutin marquant, selon elle, l’aboutissement d’un «coup d’État» de M. Saied.
Autre facteur: la majorité des candidats étaient inconnus et sans affiliation politique. Les rares électeurs ont donc fait des choix personnels, Rapporte le site d’information en ligne la tribune.
«Vu le désintérêt de la population» pour la politique, «ce Parlement aura peu de légitimité, le président, tout-puissant grâce à la Constitution de 2022, pourra le dominer à sa guise», note pour l’AFP Youssef Cherif, expert du Columbia Global Centers.
«Désintérêt»
Il est évident que l’attention des 12 millions de Tunisiens est ailleurs. Ces derniers ont vu leur pouvoir d’achat dégringoler avec une inflation supérieure à 10% et endurent des pénuries de denrées subventionnées comme le lait, le sucre ou l’huile.
Pour les économistes, elles proviennent de ruptures d’approvisionnement car l’État manque de liquidités pour régler ces achats centralisés.
La croissance est poussive (moins de 3%), le chômage élevé (plus de 15%), la pauvreté s’accroît et plus de 32 000 Tunisiens ont émigré clandestinement l’an passé.