Bassirou Diomaye Faye s’exprime après avoir prêté serment en tant que président du Sénégal dans un centre d’exposition dans la nouvelle ville de Diamniadio près de la capitale Dakar, le 2 avril 2024.
C’est une page de l’histoire du Sénégal qui se tourne définitivement ce 2 avril 2024. Fraîchement élu nouveau président de la République sénégalaise, Bassirou Diomaye Faye 44 ans, s’apprête à prendre la tête du pays après douze années de pouvoir du président Macky Sall (2012-2024).
Aussitôt installé, le jeune chef de l’Etat devrait être immédiatement confronté à la dure réalité de l’exercice du pouvoir et à l’immensité des défis qui ont pour noms emploi, cherté de la vie, lutte contre la pauvreté, accès aux services sociaux de base, éducation, justice, souveraineté alimentaire, entre autres.
Élu dès le premier tour dimanche 24 mars, la tâche qui s’annonce pour le nouveau président sénégalais ne sera pas des plus simples et il semble en avoir pris la pleine mesure. « Au vu des urgences qui nous étreignent et de l’espérance placée en nous, nous travaillons de manière acharnée, diligente et méthodique autour de chantiers prioritaires dont les plus importants sont : (1) la réconciliation nationale et la reconstruction des bases de notre vivre-ensemble, (2) la refondation des institutions, (3) l’allègement sensible du coût de la vie pour alléger les fardeaux du quotidien, (4) les concertations nationales inclusives sectorielles sur l’évaluation et la relance des politiques publiques » , a-t-il déclaré dans sa première allocution publique après le scrutin de ce dimanche.
Le président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à éradiquer la corruption, à réduire le coût de la vie, mais également pour plus de démocratie et de justice. Il devra vite s’atteler à résoudre la difficile équation du chômage des jeunes et du coût élevé de la vie.
Réconciliation nationale
Les attentes sont fortes, les défis aussi urgents que complexes alors que le président élu du Sénégal a énoncé « la réconciliation nationale, la réforme des institutions et l’allègement sensible du coût de la vie » comme ses chantiers prioritaires.
Le président élu entend former son gouvernement le plus vite possible afin de s’attaquer aux problèmes et de répondre aux aspirations des sénégalais qui l’ont plébiscité. Bassirou Diomaye Faye a appelé à une réconciliation nationale sans aucune distinction d’appartenance politique : « Nous entendons tourner cette page pour réconcilier les Sénégalais, qu’ils soient du côté de l’opposition comme celui du pouvoir et des autres sensibilités, j’appelle tout le monde au sursaut national. Nous avons des urgences et les sénégalais nous attendent. Nous devons travailler, rien faire d’autre que travailler», a indiqué le nouveau président qui veut tourner la page des douloureux événements que le pays a traversé et entamer son magistère sous le sceau de l’unité et de la paix sociale. Lors de sa première allocution après son élection à la tête du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a décliné ses priorités. Celles-ci s’inspirent en grande partie de son programme de campagne intitulé « pour un Sénégal souverain, juste et prospère » qui vise le changement social et la justice pour faire du Sénégal « une nation juste, prospère et souveraine ancrée dans des valeurs fortes « . « Les politiques publiques générales et sectorielles que mon gouvernement mettra en place auront pour seule et unique objectif la satisfaction urgente des besoins du peuple sénégalais, surtout les besoins qui étranglent au quotidien la plus grande majorité des sénégalais à savoir l’alimentation, la santé, l’emploi, le logement et l’éducation, entre autres », poursuit Bassirou Diomaye Faye. L’ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l’immensité des attentes de la population et surtout de la jeunesse.
Réforme des institutions
Dans son programme de gouvernance présenté aux sénégalais, Bassirou Diomaye Faye a promis une réforme des institutions afin de mettre fin à l’hyper-présidentialisme, c’est-à-dire la concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République. « L’hyper-présidentialisme avec comme corollaire une mainmise de l’exécutif sur le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, est la principale tare de notre système politique. Nous avons assisté à une judiciarisation de l’espace politique par le Président de la République qui a fait de la justice un levier pour emprisonner et éliminer, ses opposants des joutes électorales. La justice qui devait être à l’avant-garde pour combattre la corruption, le détournement des deniers publics et le gaspillage de ressources de l’État est aujourd’hui manipulée à des fins politiques. L’Administration sénégalaise qui devait être exclusivement orientée vers la satisfaction des usagers est aujourd’hui gangrenée par le népotisme, un manque d’efficacité et une politisation à outrance. »
Alors que le nouveau président est attendu sur le chantier de la bonne gouvernance et de la transparence, pour le Forum civil il s’agira d’aller au bout des intentions en faisant appliquer les lois déjà adoptées. « On était confronté depuis des années à la gouvernance, mais également à une absence de redevabilité. Si le président de la République actuel décide de fixer comme priorité la lutte contre la corruption, on ne peut que s’en réjouir. Il y a pas mal de textes assez intéressants que le pouvoir actuel a eu à mettre en place. Ce que nous demandons principalement au président de la République Bassirou Diomaye Faye, c’est de faire l’application avec rigueur et vigueur de cette nouvelle loi sur la déclaration de patrimoine », a confié à la BBC le coordonnateur du Forum Civil, Birahim Seck. Le nouveau régime sera aussi attendu sur la question de la gouvernance des ressources naturelles, le Sénégal fera son entrée cette année dans le cercle des pays producteurs de pétrole et du gaz. Il y a besoin aujourd’hui de revoir l’architecture juridique et institutionnelle du secteur extractif, surtout du secteur minier, mais également du secteur des hydrocarbures. Déjà, nous avons des difficultés d’application des textes, surtout par rapport aux ressources qui doivent provenir des entreprises pour tomber dans les caisses des collectivités territoriales, mais également des communautés. Nous interpellons le nouveau président de la République afin d’appeler autour d’une table les entreprises, leur exiger comme le stipule la loi, à payer ce qu’ils doivent aux collectivités territoriales. Ils doivent opérationnaliser le fonds d’appui et de péréquation des collectivités territoriales. Le Forum civil attend du nouveau président de la République qu’il prenne à bras le corps la question de la bonne gouvernance dans le secteur extractif mais également la question de la lutte contre la corruption », fait remarquer Birahim Seck. La réduction des dépenses de fonctionnement de l’État et du train de vie démesuré des autorités publiques constitue tout autant une exigence des électeurs. La gestion sobre et vertueuse des ressources publiques a été un des grands échecs du régime sortant. Le tout nouveau président du Sénégal a décliné ce qui va constituer les grands axes de sa gouvernance.
Urgences économiques et sociales
Sur le plan économique et social, le cinquième président du Sénégal devra faire face aux immenses défis économiques et sociaux. En effet un tiers des 18 millions d’habitants, vit encore dans la pauvreté, selon le Programme alimentaire mondial. Le coût de la vie, le chômage des jeunes, l’autosuffisance alimentaire, la baisse du loyer, l’accès à des soins de santé de qualité, l’éducation, l’approvisionnement en eau potable, la fourniture et le coût de l’électricité restent les principales préoccupations des Sénégalais.
La faiblesse du pouvoir d’achat des ménages combinée au renchérissement des denrées de première consommation, devrait être une priorité du nouveau régime incarné par le tandem Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko. Le président Diomaye Faye qui s’est engagé en faveur d’une souveraineté économique et d’une meilleure justice sociale propose en outre une réforme de la politique monétaire du Sénégal et la renégociation des contrats miniers et d’hydrocarbures.
Son programme économique se fonde sur 4 principes : la souveraineté, la croissance, l’équité et la protection de l’environnement. Le président Faye compte instaurer un partenariat économique « gagnant-gagnant » avec les entreprises étrangères, tout en rassurant les partenaires extérieurs que le Sénégal maintiendra son rang sur l’échiquier international et resterait « l’allié sûr et fiable » de tous les partenaires « respectueux » de la souveraineté de son pays.Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a été investi ce 2 avril 2024.
L’un des défis les plus urgents et complexes pour cet inspecteur des impôts de profession, sera de s’attaquer au taux de chômage de plus de 20 % dans un pays où 60 % de la population est âgée de moins de 25 ans. Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à rompre avec un système vieux de 64 ans et compte utiliser les ressources du pays pour améliorer les conditions de vie des Sénégalais. Les attentes sont fortes, les défis aussi urgents que complexes alors que le président élu du Sénégal aura peu de marge de manœuvre pour mettre ce projet de rupture à l’épreuve des réalités économiques. « J’ai une pensée particulière pour les femmes et les jeunes. Une partie importante des ressources de la Nation sera mobilisée pour abréger leur souffrance et manque de perspectives », promet-il.