La Centrafrique, a adopté le bitcoin comme monnaie officielle au côté du franc CFA et légalisé l’usage des crypto monnaies, selon une annonce faite le 27 avril 2022 par la présidence. L’Assemblée nationale a voté « à l’unanimité » des députés présents la loi « régissant la crypto monnaie en République centrafricaine » et le président Faustin Archange Touadéra l’a promulguée. Action qui fait de ce pays de l’Afrique Centrale le premier du continent à légalise le bitcoin comme monnaie d’échange pour ses 4,5 millions d’habitants. Une décision qui est au centre de plusieurs questionnements et inquiétudes sur le plan international.
Impact Economique
Une adoption des crypto monnaies qui relève du défi technologique car dans un contexte de faible bancarisation et de pénétration accrue de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne, le nombre d’utilisateurs de services bancaires mobiles gagne en importance. Cette tendance ouvre la voie aux crypto monnaies, notamment de la plus populaire d’entre elles : le bitcoin comme opté monnaie, par la Centrafrique aux côtés du franc CFA, qui bénéfice pourtant d’un taux de change fixe avec l’euro. Une illustration parfaite de ce que la monnaie virtuelle peut apparaître comme une solution aux limites du système financier en vigueur dans le continent. Le pays prépare donc un cadre réglementaire qui vise à favoriser l’adoption des crypto monnaies comme mode de paiement par les commerces ainsi que pour le règlement des contributions fiscales via des plateformes reconnues et autorisées par le gouvernement.
L’adoption de cette monnaie virtuelle se pose en fait en alternative à la monnaie qui existe actuellement : le Franc CFA. Ce franc CFA détesté par toutes les populations des anciennes colonies françaises qui l’utilisent en Afrique de l’ouest et en Afrique Centrale : quatorze pays en tout. Pour bon nombre de ses populations, le CFA, dont la parité est indexée sur l’euro, est vu comme une atteinte à la souveraineté des états africains, une façon déguisée pour la France, selon elles, de garder la main sur les économies de ses anciennes colonies au prétexte de les soutenir. Outre cette raison bien connue de tous, l’envoi et la réception d’argent avec la République centrafricaine devenant « très difficiles », sans oublier le cadre contraignant de la Banque centrale il était impératif de penser autrement surtout que la monnaie numérique comporte de nombreux avantages tels que les transferts en euros, dollars ou franc CFA pouvaient se faire avec différentes devises.
De l’Impact Politique
La monnaie n’est pas un outil exclusivement économique. Elle n’est pas détachée des relations sociales existantes. Au contraire, elle est étroitement insérée dans les systèmes politiques, sociaux et culturels dans lesquels elle existe. Si le bitcoin a trouvé sa place dans les conversations, la transformation politique qu’il peut amener est en revanche encore peu pensée. Loin d’être uniquement une innovation technique, son développement conduirait à des modifications radicales de l’ordre politique. En cela, il est bien une monnaie crypto politique. Cas échéant avec la Centrafrique qui à prit une distance symbolique avec la France. Elle est légitime parce qu’elle est une convention socialement construite. Dans la monnaie, ce qui se joue, c’est l’unanimité du groupe polarisé sur une même croyance, voire la représentation d’un ordre social idéal.
En temps de crise, il n’est pas rare de voir émerger des monnaies ou systèmes de paiement alternatifs ayant pour finalité la définition de nouvelles relations de pouvoir et l’établissement de liens sociaux différents entre acteurs. L’émergence du Bitcoin en 2009 se fondait explicitement sur l’espoir d’un changement dans les relations de pouvoir au sein de la société. Pour la communauté des crypto-anarchistes ayant porté le projet, le Bitcoin est la réalisation de leurs espoirs : préserver la vie privée et l’anonymat en réduisant le contrôle des gouvernements et des firmes sur l’information et les canaux de sa circulation. Par extension, le Bitcoin peut aussi être perçu comme la réalisation, voire le dépassement, des ambitions consistant à mettre fin au monopole des États et des banques centrales dans l’émission et la circulation de la monnaie.
Conséquences Du Bitcoin sur le marché économique international
Le coût du bitcoin a connu une popularité sans précédent depuis le début du second semestre 2020 et a atteint en février 2021 une capitalisation boursière de mille milliards de dollars. Selon une analyse du groupe financier Citi, la crypto-monnaie est à un « point de basculement » et l’année 2021 serait « une année décisive pour la cryptomonnaie ». Citi estime en effet que « le bitcoin pourrait soit devenir la devise préférée pour le commerce international, soit faire face à une implosion spéculative ». Chose effective en Centrafrique depuis le 27 Avril 2022. La crypto-monnaie présente plusieurs avantages au niveau mondial, notamment parce qu’elle est décentralisée et plus rapide. Sa neutralité la rend d’autant plus attrayante, en effet, tout l’intérêt de la crypto-monnaie réside en son caractère privé, puisqu’elle n’est pas obtenue par une banque centrale. Cet aspect est d’autant plus attirant pour les consommateurs ayant perdu confiance dans les banques à l’issue des crises économiques.
N’en déplaise aux gouvernements, qui voient d’un mauvais œil l’évolution de la crypto-monnaie. Les pionniers du Bitcoin ont cherché à se libérer d’une monnaie vectrice d’oppression, de contrôle et de domination. Ils ont conçu le Bitcoin comme le plus pur outil de l’émancipation. Ce dernier apparaît comme une voie de défétichisation de la monnaie, pointant sa construction institutionnelle et politique. Si le projet Bitcoin voulait à l’origine remplacer la discrétion par la règle, il a finalement bien plus souligné la construction institutionnelle et collective de celle-ci. Loin d’être une manière de dépolitiser la monnaie, le Bitcoin et les crypto-monnaies semblent plus à même de la re-politiser en questionnant directement toutes les dimensions de la monnaie en tant que système de paiement, dont chaque règle et paramètre constitutifs peuvent et se doit d’être discuté collectivement.