Le Pr Faustin Archange Touadéra s’est félicité des progrès enregistrés dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA. Accueillant à Bangui le 23 octobre, la réunion de suivi des accords de Khartoum signés en 2019 entre le gouvernement et 14 groupes armés, le chef d’Etat centrafricain a salué les avancées majeures réalisées dans le cadre de ce processus politique de pacification de la RCA.
DISCOURS DE SON EXCELLENCE LE PROFESSEUR FAUSTIN ARCHANGE TOUADERA, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DE L’ÉTAT,
À L’OCCASION DE LA REVUE STRATÉGIQUE CONSACRÉE
À L’EVALUATION DU PROCESUS DE MUTUALISATION DE LA FEUILLE DE ROUTE DE LUANDA ET L’APPR-RCA
BANGUI, LE 23 OCTOBRE 2023
• Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
• Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement ;
• Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères de l’Angola ;
• Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères du Rwanda ;
• Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine ;
• Monsieur le Président de la Commission de la CEEAC ;
• Monsieur le Secrétaire Exécutif de la CIRGL ;
• Monsieur le Représentant de l’UNOCA ;
• Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;
• Madame la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies, Cheffe de la MINUSCA ;
• Distinguées personnalités ;
• Mesdames et Messieurs ;
C’est avec un réel plaisir que je préside aujourd’hui, la deuxième revue stratégique du processus de mutualisation de la Feuille de Route Conjointe de Luanda et l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR-RCA).
Cette deuxième revue qui se tient une année après celle de juin 2022, nous donne l’occasion de faire le point sur les avancées du processus, les défis constatés et les perspectives qui s’offrent à nous.
Mais je voudrais donc avant tout propos, saluer la présence de nos hôtes de marque dans dont la présence à nos côtés, en dépit de leurs agendas chargés, témoignent à suffisance de la plus grande attention que leurs pays et organisations respectifs accordent au processus et surtout à son succès.
Je leur souhaite la bienvenue en République Centrafricaine, terre d’accueil, d’hospitalité et du vivre ensemble.
Vous êtes chez vous ici, au cœur de l’Afrique.
• Mesdames et Messieurs ;
Depuis le 6 février 2019, avec la signature de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation, la République Centrafricaine s’est résolument engagée dans une dynamique politique orientée vers la sécurité, la paix et la réconciliation nationale en vue de relever et rebâtir le pays et lui offrir l’opportunité d’amorcer son développement.
Avec l’appui des Garants et Facilitateurs ainsi que des partenaires du pays, nous avons pu, sur la base des efforts et sacrifices consentis de bonne foi par le Gouvernement, assurer la mise en œuvre de cet Accord en dépit de la résistance constante et sans fondement de certaines parties signataires.
Cette résistance volontairement et consciemment opposée par certains groupes armés et qui traduisait à n’en point douter, la mauvaise foi, contraire aux principes de mise en œuvre des accords, s’inscrivait dans une manœuvre globale visant à faire voler en éclat, au moment opportun, cet Accord qui a mobilisé tant d’énergies et de ressources et considéré d’ailleurs à juste titre, comme le cadre idéal offrant toutes les garanties politiques nécessaires pour la sécurité et la paix dans notre pays.
Le parfait prétexte tant attendu a été trouvé lors du processus électoral de 2020 lorsque la Cour Constitutionnelle, en toute indépendance et conformément aux dispositions légales en vigueur, a décidé du rejet de certaines candidatures à l’élection présidentielle dont celle de l’ancien Président François BOZIZE.
Celui-ci a immédiatement créé la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) à laquelle se sont ralliés certains groupes armés, animés par l’espoir chimérique de déstabiliser les institutions de la République ou du moins, de saborder l’Accord de paix.
Cette entreprise criminelle n’a pas pu prospérer comme l’espéraient ses promoteurs, grâce aux actions conjuguées de nos forces de défense et de sécurité, leurs alliés et la MINUSCA.
Soucieux de préserver les acquis obtenus après une année de mise en œuvre de l’Accord, j’ai, dans ma constante dynamique de recherche de paix et de politique de main tendue, réitéré à l’occasion de la célébration de l’an II dudit Accord, ma ferme volonté de maintenir l’APPR-RCA comme seul cadre de dialogue sur les questions de paix.
Cette position responsable unanimement approuvée par les Garants, Facilitateurs et partenaires de la République Centrafricaine a permis la poursuite de la mise en œuvre de l’APPR-RCA et d’engager des réformes qui ont abouti au renforcement des organes de mise en œuvre.
Je voudrais donc saisir cette opportunité, pour leur renouveler ma gratitude et celle du peuple centrafricain.
• Mesdames et Messieurs ;
Je me réjouis que la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) qui s’est saisie de ce dossier dans le cadre de la solidarité sous-régionale, ait aussi soutenu cette position officielle du Gouvernement qui présentait l’avantage de laisser la porte ouverte au dialogue, ainsi que la possibilité pour les groupes armés alliés à la CPC, de revenir dans l’Accord de paix et donc, dans la République.
C’est en soutien à ce processus perturbé par l’avènement de la CPC que la CIRGL a adopté en appoint de l’APPR-RCA, au cours de son 3ème mini-sommet tenu le 16 septembre 2021, la Feuille de route conjointe de Luanda pour la paix en République Centrafricaine.
Les efforts engagés par les Chefs d’Etat de la CIRGL ont permis de renforcer la mise en œuvre de l’APPR-RCA et de faire de cet Accord la voie par excellence de retour à la paix et à la stabilité dans notre pays. Je leur en suis profondément reconnaissant.
Cette feuille de Route faut-il le rappeler, est conçue autour de six (6) axes à savoir :
1. Engagement des leaders des groupes armés dans le processus de retour à la paix et à la stabilité ;
2. Respect du cessez le feu ;
3. Suivi du programme DDRR ;
4. Suivi du programme de la Réforme du Secteur de Sécurité;
5. Stratégies de contrôle des frontières ;
6. Processus politique.
Comme vous pouvez le constater, l’examen minutieux des thématiques contenues dans la Feuille de Route Conjointe de Luanda révèle de pertinents liens de complémentarité avec les engagements issus de l’APPR-RCA.
La matrice des liens qui a été conçue à cet effet par la Coordination APPR-RCA, a été appréciée successivement par le Comité Exécutif de Suivi, le Comité Directeur Conjoint et soutenue par la décision de la huitième (8e) session du Comité Stratégique DDRR / RSS / RN, tenue le 15 juillet 2022; session au cours de laquelle j’ai pris la décision d’initier la mutualisation de ces deux instruments et instruit le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, d’en assurer la coordination.
Aujourd’hui, je puis me réjouir de la conduite du processus au regard des rapports qui me sont soumis.
C’est pourquoi, je saisis cette opportunité pour féliciter le Premier Ministre, Coordonnateur du processus, les membres du Gouvernement impliqués dans la coordination, l’équipe du Secrétariat Technique ainsi que les partenaires qui ne ménagent aucun effort pour apporter leur appui combien significatif au processus.
Je tiens tout particulièrement à exprimer ma reconnaissance à la MINUSCA et surtout à la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour sa disponibilité, son implication personnelle et sa contribution dans le processus.
• Mesdames et Messieurs ;
Mon désir le plus profond, ma volonté la plus constante, c’est de réussir à restaurer la paix dans notre pays quoique cela nous coûte.
La paix reste et demeure pour moi un idéal politique; idéal largement partagé d’ailleurs par le peuple centrafricain.
Car, comme je l’ai souvent rappelé, il y a un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix.
Le temps de faire la paix est devenu effectif depuis le 6 février 2019, avec la signature de l’APPR-RCA.
Ce temps se poursuit d’ailleurs, avec un nouveau dynamisme et de nouvelles opportunités, grâce à la Feuille de Route Conjointe de Luanda adoptée le 16 septembre 2021.
Nous devons saisir ces opportunités en nous engageant résolument dans la voie de la paix, avec l’assurance de contribuer par cet acte, à la reconstruction et au renouveau de notre pays.
J’ai confiance dans l’avenir, au regard des résultats probants que nous enregistrons dans le cadre de ce processus.
Ces résultats positifs nous encouragent à maintenir sinon à redoubler d’effort, dans la poursuite de la mise en œuvre du processus.
En effet, sous la coordination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, le processus a connu des avancées majeures.
Le projet de document de stratégie d’engagement des leaders des groupes armés dans le processus de paix et de stabilité a été élaboré et pré-validé par les membres du Gouvernement.
Sa validation définitive offrira une large perspective pour l’adhésion du reste des leaders au processus de paix et de retour à la stabilité et l’intensification de la poursuite de la mise en œuvre du programme DDRR.
S’agissant du programme DDRR en lui-même, les opérations menées tant dans le cadre du DDRR pilote que du grand DDRR ont permis le désarmement et la démobilisation de 4 884 ex-combattants dont 1 112 ont été intégrés dans les forces de défense et de sécurité.
Un programme de réinsertion socioéconomique financé respectivement par la Banque Mondiale et la CEMAC a permis de prendre en charge 3081 ex-combattants. Les 239 autres récemment démobilisés, sont en attente de prise en charge.
Il me parait utile de souligner qu’en marge de ces opérations, plus de 1500 dissidents de la CPC ont volontairement décidé après le cessez-le-feu unilatéral que j’ai décrété, de remettre leurs armes et effets militaires aux forces de défense et de sécurité et leurs alliés.
Dans la même dynamique, le PNDDR a contribué au désarmement et rapatriement vers l’Ouganda de 51 ex-combattants de la LRA ainsi que leurs familles respectives soit un total de 140 personnes.
Si la dissidence des éléments de la CPC apparaît comme un défi en terme de prise en charge, elle a cependant l’avantage d’être une réelle opportunité pour la mise en œuvre accélérée du programme DDRR.
C’est pourquoi, nous devons non seulement poursuivre et intensifier les campagnes de sensibilisation à l’endroit des dissidents de la CPC pour leur adhésion au processus DDRR, mais aussi continuer les opérations de désarmement en leur faveur et les reliquats des autres groupes armés.
Le lancement, sous financement de la Banque Mondiale du projet Gouvernance Locale et Communautés Résilientes dont la composante « Réintégration socio-économique des Ex-combattants » est confiée à l’UEPNDDR ainsi que le lancement du Projet « SEDOUTI », grâce au Fonds de Consolidation de la Paix devraient nous encourager à maintenir les efforts engagés.
Pour ce qui concerne la Réforme du Secteur de Sécurité, nous avons décidé de traiter cette question de façon holistique.
C’est pourquoi, le Ministère de la Défense et de la Reconstruction de l’Armée a organisé le 13 décembre 2022, l’atelier de lancement des travaux de rédaction de la Politique Nationale de Défense.
Actuellement en cours de finalisation et de validation, cette politique est appelée à définir les principes fondamentaux devant régir nos forces de défense et de sécurité ainsi que les priorités stratégiques.
Cet important document stratégique offre la perspective de la consolidation des acquis déjà obtenus et la réalisation d’autres objectifs prioritaires en lien avec la RSS.
La mobilisation des partenaires en faveur du renforcement des capacités de la Coordination RSS et des différents organes de contrôle nous rassure quant à la poursuite et à l’aboutissement de cette réforme.
Pour ce qui concerne la Stratégie de Gestion des Frontières, des avancées notables ont été enregistrées.
En effet, la Politique Nationale de Gestion des Espaces Frontaliers est désormais disponible.
La finalisation du plan d’action actuellement en cours de rédaction, devra compléter utilement les instruments et outils dans ce domaine, en vue d’une gestion efficace et optimale de nos frontières.
L’opérationnalisation de la Commission Nationale chargée de la Gestion des Frontières qui vient renforcer le cadre institutionnel, constitue également une avancée significative dans la stratégie globale de la gestion de nos frontières.
Enfin, concernant le processus politique, je puis vous affirmer que le Gouvernement et moi-même ne ménageons aucun effort, pour assurer un processus politique apaisé, réellement participatif et inclusif en vue de favoriser l’implication de toutes les forces vives de la nation, dans les réflexions sur les grandes questions concernant l’avenir de notre pays en partage.
A titre d’exemple, l’organisation au mois de mars 2022, du Dialogue Républicain, a permis à toutes les forces vives du pays, à l’exception de certains partis politiques qui se sont volontairement mis à l’écart, de débattre sans tabou sur des thématiques de tous ordres, qui traduisent les attentes profondes de notre peuple quant aux maux qui gangrènent notre pays.
A l’issue de cette grande rencontre historique, je me suis engagé à ne point laisser sans réponse les nombreuses et pertinentes recommandations formulées par mes compatriotes.
J’ai immédiatement mis en place un Comité de Suivi, qui est d’ailleurs à pied d’œuvre, pour rendre public le premier rapport sur la mise en œuvre de ces recommandations.
De même, pour les élections locales du 24 octobre 2024, qui constituent une opportunité de dialogue entre l’ensemble des acteurs impliqués, nous avons mis en place, sous la Coordination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, un Comité dénommé, Comité Stratégique d’Appui au Processus Electoral ouvert à l’ensemble des parties prenantes, y compris les partis politiques d’opposition, la société civile et les partenaires.
Là encore hélas, ces partis politiques ont décidé, sans aucune justification, de pratiquer la politique de la chaise vide.
Je me réjouis néanmoins de la présence de leurs représentants au sein du Cadre de Concertation où l’essentiel des échanges sur la conduite du processus électoral assurée par l’Autorité Nationale des Elections, se déroule.
Ce processus qui constitue un signal fort de la volonté avérée et constante du Gouvernement de promouvoir la décentralisation dans notre pays, est soutenu par un cadre juridique cohérent et à jour, ainsi qu’un nouvel instrument, la Politique Nationale de Décentralisation dont la structure de Coordination est déjà mise en place.
Toujours dans cet important registre de processus politique, et pour ce qui concerne la poursuite de la restauration de l’autorité de l’Etat, le récent contrôle des fonctionnaires et agents de l’Etat, dont le rapport vient d’être publié, a permis d’identifier les postes vacants dans nos différentes régions ; postes qui devront être pourvus dans les plus brefs délais.
• Mesdames et Messieurs ;
Les avancées que j’ai présentées ici, sont les fruits du travail et de l’engagement de chaque acteur impliqué dans le processus.
Elles sont la preuve de notre volonté d’aller jusqu’au bout de notre engagement afin d’offrir à nos Compatriotes, la possibilité de vivre dans leur pays en paix, en toute sécurité, dans un pays débarrassé de violences dévastatrices et inutiles, dans un pays de fraternité, de cohésion sociale, du vivre ensemble où les opportunités de développement sont réelles.
C’est donc tout naturellement que j’attends de cette réunion, des propositions ou des recommandations visant à consolider les acquis et à faire avancer davantage le processus.
Permettez-moi, avant de terminer mon propos, d’adresser ma vive gratitude aux Etats de la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs, plus particulièrement à leurs Excellences Joao LOURENÇO et Paul KAGAME, respectivement Présidents de l’Angola et du Rwanda et Médiateurs, pour leur soutien constant au processus.
Je remercie également les Garants et Facilitateurs de l’APPR-RCA ainsi que l’ensemble des partenaires bi et multilatéraux dont l’appui multiforme nous a permis de réaliser les résultats présentés ici et conséquemment d’arriver à ce niveau de processus.
Nous avons certes fait une partie du chemin. Mais nous ne sommes pas encore arrivés à notre destination finale. Le reste du parcours nécessite bien entendu des ressources que nous devons mobiliser.
C’est pourquoi, je lance un appel à l’ensemble de nos partenaires de continuer, comme à l’accoutumée, à nous apporter leur appui pour nous permettre de poursuivre la mise en œuvre de ce processus combien important pour la paix et la sécurité en République Centrafricaine et pour la sous-région.
Je vous remercie.