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Côte d’Ivoire – Cameroun : une rivalité sous fond de blague

Les citoyens des deux pays s’appellent depuis quelques années « la belle-famille ». L’explication la plus plausible à trouver à ce surnom, c’est le fait que la plus grande star du football camerounais de ces 20 dernières années, Samuel Eto’o, a pris pour épouse une femme de nationalité ivoirienne. Le surnom s’est définitivement ancré dans les habitudes lorsque, des mois durant, Ténor, une star du rap camerounais très célèbre en Côte d’Ivoire pour sa proximité avec le très populaire chanteur de Coupé Décalé de regretté mémoire, DJ Arafat, a commencé à s’afficher avec la comédienne ivoirienne Eunice Zounon, et que les deux dévoilent leur intention de se marier.

Les deux tourtereaux font des tours réguliers chacun dans le pays de l’autre, comme pour faire grandir l’amour entre les citoyens des deux pays, interchangeant régulièrement leurs maillots de supporter, au gré des matchs de football, chacun supportant l’équipe de l’autre. Sur les réseaux sociaux et quelques fois dans la vie réelle, les relations entre les deux peuples ressemblent réellement à des scènes de ménage, où les conjoints se disputent publiquement sous les regards médusés de l’assistance, mais gardent des liens soudés. L’une des illustrations de cette relation tumultueuse, est la présence ivoirienne lors de la dernière coupe d’Afrique des nations abritée par le Cameroun en janvier-février 2022. Une polémique enfle sur les réseaux sociaux, au sujet des cas de covid-19 dans les sélections qui prennent part à la compétition.

Le pays organisateur est sur la sellette, les différents pays présents soupçonnent les autorités camerounaises de manipuler les résultats des tests, pour éliminer les joueurs des équipes devant affronter les Lions Indomptables. Tout a pourtant bien commencé. Les Éléphants de la Côte d’Ivoire logés dans la poule-E, évoluent au stade de Japoma à Douala. Ils reçoivent un accueil chaleureux, et les Camerounais prennent d’assaut les gradins lors du match qui oppose « la belle-famille » au Nzalan National de Guinée-Équatoriale, exultant de tout cœur les gestes techniques de l’équipe ivoirienne, comme s’il s’agissait d’un match des Lions Indomptables. Les Éléphants s’imposent sur le score d’un but à zéro. Or, les choses allaient rapidement basculer, à l’entame de la seconde phase du tournoi. La cause ?

Les Lions Indomptables doivent affronter les Comores, considérés comme des petits poucets des 8èmes de finale. Un scandale explose. Dans l’équipe du Cameroun, aucun cas de Covid n’est enregistré, alors qu’en face, on dénombre 12 cas, dont les deux gardiens de buts valides. Le troisième gardien étant blessé, les Comoriens sont obligés de faire jouer un défenseur dans les cages, et vont s’incliner 1-2 face au pays organisateur. Des influenceurs ivoiriens vont délier les langues sur les réseaux sociaux, et « oser » soutenir « des adversaires » dans l’avalanche des critiques qui pleuvent. La « belle-famille » n’apprécie pas le geste, et les conséquences ne vont pas tarder. Quelques jours avant le match de 8èmes de finale qui oppose la Côte d’Ivoire aux Pharaons d’Egypte, sous l’instigation de leurs influenceurs, les Camerounais s’adonnent à cœur joie à l’apprentissage de l’hymne national égyptien, les vidéos deviennent virales sur les réseaux sociaux.

Le stade de Japoma bourdonne le 26 janvier, lorsque « Belâdi, Belâdi, Belâdi» (titre de l’hymne égyptien) est entonné. Le refrain est repris en cœur par des milliers de Camerounais, qui vont encourager l’Egypte jusqu’à la fin du match que « la belle-famille » perd aux tirs aux buts, synonyme d’élimination.

Pour les Camerounais, les Ivoiriens ont mérité leur sort « une femme doit respecter son mari, si elle lève la tête, son mari doit la corriger ». Ce dicton est devenu viral sur les réseaux sociaux camerounais, après le match. La dernière guéguerre entre Ivoiriens et Camerounais lors de la dernière CAN, a viré à une comparaison sur les niveaux de développement.

Des groupes spécialisés sur le clash entre Camerounais et Ivoiriens pullulent sur les réseaux sociaux, chacun ventant les infrastructures de son pays, et dénigrant celles des autres. Quelques jours avant le début de la CAN, c’est un reportage diffusé sur une télévision camerounaise émettant à Yaoundé et montrant la capitale camerounaise envahie par la poussière, qui vaut au Cameroun le nom de « poussierekoro » (village de la poussière dans une langue ivoirienne) donné par certains « clasheurs » ivoiriens. Ceux-ci donnant plutôt l’image d’un pays développé où foisonnent ponts et autoroutes, alors que leurs collègues « clasheurs camerounais » recherchent des quartiers désœuvrés de la capitale économiques Abidjan, pour répondre à « la belle-famille ».

Souvent, dans leurs groupes de clash, on ne manque pas de lire « faut pas que les Ivoiriens/Camerounais voient ça, ils vont se moquer de nous ». Hasard de l’histoire, après le Cameroun, c’est la « belle-famille » qui accueille la compétition. La dernière pluie qui a inondé le stade Ebimpé, le plus grand du pays, et les moqueries camerounaises qui ont suivi, a donné certainement l’avant-goût de ce que seront les clashs entre Camerounais et Ivoiriens lors de cette compétition. L’un des derniers clashs en date a été occasionné par la désignation de l’influenceuse camerounaise Diana Bouli par le comité d’organisation de la CAN ivoirienne, comme ambassadrice de l’événement. Pourtant très bien accueillie en Côte d’Ivoire lorsque l’influenceuse qui totalise près de 6 millions de followers sur les réseaux sociaux s’y est installée, la nomination de Diana Bouli a provoqué une levée de boucliers de la part des influenceurs ivoiriens.

Dans l’histoire des rencontres footballistiques qui opposent la Côte d’Ivoire et le Cameroun, celui du 4 septembre 2005 est un classique. La rencontre compte pour les éliminatoires Zone Afrique, pour le Mondial 2006 qui doit se jouer en Allemagne. Le groupe 3 est qualifié alors de groupe de la mort, parce que regroupant trois grosses pointures du continent : L’Egypte, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, en plus du Soudan. La Côte d’Ivoire qui avait manqué la qualification pour la CAN tunisienne de 2004, réussit à déjouer les pronostics, en occupant la 1ère place du groupe, et tient provisoirement son ticket pour sa toute première participation à une phase finale de coupe du monde. Un seul match nul face aux Lions Indomptables qu’ils accueillent au Stade Felix Houphouët Boigny d’Abidjan, envoie directement les éléphants en Allemagne.

La Côte d’Ivoire qui tient sa génération dorée, constituée de stars comme Didier Drogba qui évolue à Chelsea en Angleterre, Kolo Touré qui est tout feu tout flamme à Arsenal, toujours en Angleterre ou encore Arouna Dindane du FC Lens en France, sont presque sûrs de faire du match face au Cameroun une formalité. Mais avant la confrontation, Samuel Eto’o, alors cadre de l’équipe des Lions Indomptables aux côtés de Rigobert Song au sommet de son art, ou encore de Geremie Sorel Njitap qui évolue au Réal de Madrid, promet aux Ivoiriens en conférence de presse de « les faire dormir à 19H ». Le stade Houphouët Boigny est plein à craquer, les supporters des éléphants festoient déjà, lorsque la rencontre démarre. L’attaquant camerounais Achille Webo, réussissant à profiter du trop d’attention sur la star du FC Barcelone, Samuel Eto’o, inscrit un triplé et fait la différence face au doublé du capitaine ivoirien Didier Drogba.

Les cris de joie ont laissé place aux larmes, le Cameroun vient de voler la première place à la Côte d’Ivoire, Un point les sépare désormais, les deux équipes ont désormais besoin d’une victoire chacune pour pouvoir composter le ticket pour la coupe du monde. Seulement, la défaite du 4 septembre n’a pas quitté les esprits de sitôt. Le célèbre groupe de Zouglou (rythme traditionnel ivoirien), Magic System, a d’ailleurs sorti un tube (qui fait toujours danser en Côte d’Ivoire). La chanson a été commandée par la fédération ivoirienne de football, raconte A’Salfo, le leader du groupe Magic System et a été enregistrée avec toute l’équipe de la cuvée 2006. Dans le clip, on voit les stars de l’équipe s’adonner à cœur joie à se moquer du Cameroun « c’était le 4 septembre, ici à Abidjan, ils nous ont gagnés, on dit-on est éliminés » ; entend-on dans la chanson, en référence à la défaite ivoirienne.

« Ce qu’ils ont oublié, c’est que découragement n’est pas ivoirien » ; poursuit la chanson. Didier Drogba pousse la chansonnette lorsqu’il faut parler du pénalty qui a couté au Cameroun sa place « Penalty à Yaoundé… Même s’il n’y avait pas gardien, ça n’allait pas rentrer », chante Didier Drogba dans sa partition. Cette culture de clash par la chanson semble s’être perpétuée. Sur les réseaux sociaux, des groupes de jeunes ivoiriens et camerounais s’affrontent régulièrement par chansons interposées. L’un des derniers clashs porte sur la chanson « hué » dans laquelle un groupe ivoirien accuse les Camerounais d’avoir tourné le dos à la Côte d’Ivoire lors de la CAN au Cameroun « ils nous ont hué, ils ont hué hymne national. Quand nous on jouait, Judas n’était pas dans les tribunes, ils ont attendu qu’on nous piétine pour se retrouver de l’autre côté », chante un groupe de jeunes ivoiriens.

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