Alors que les tensions politiques semblaient avoir tracé une ligne de rupture définitive en Afrique de l’Ouest, un acteur de poids vient de jeter un pavé dans la mare diplomatique. Depuis Le Caire, lors du Forum de partenariat Russie-Afrique, Moscou a officiellement appelé à un rapprochement entre la Cédéao et la jeune Confédération des États du Sahel (AES).
Un médiateur inattendu ?
Le décor est planté en marge de la Conférence ministérielle en Égypte. Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, s’est entretenu avec Omar Alieu Touray, président de la Commission de la Cédéao. Le message de la Russie est clair : il faut un « dialogue pragmatique ». Pour Moscou, l’heure n’est plus aux querelles de légitimité, mais à l’urgence sécuritaire. Face à l’expansion du terrorisme dans l’espace sahélo-saharien, la Russie estime qu’aucune organisation ne peut gagner seule.
Le contexte : Une influence russe grandissante
Ce plaidoyer n’est pas anodin. Depuis 2020, le paysage géopolitique a basculé : Après une série de coups d’État, ces trois pays ont rompu avec la France et se sont tournés vers Moscou pour leur défense. Aussi, en quittant dans le même temps la Cédéao pour fonder l’AES, ces pays ont créé un vide institutionnel dans la coopération régionale.
En se positionnant comme le promoteur d’une réconciliation, la Russie renforce son image d’allié stratégique indispensable, capable de parler aux deux camps.
Des signaux de dégel sur le terrain
Si le discours de Moscou est politique, les faits sur le terrain montrent déjà de timides ouvertures. Malgré le divorce officiel, la Cédéao semble vouloir garder des « passerelles » :
Lutte financière : Le Mali, le Burkina et le Niger ont été admis comme « membres non-Cédéao » du GIABA (lutte contre le blanchiment d’argent).
Économie : Ces trois États conservent leur place au sein de la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao (BIDC) sous un statut de pays non régionaux, garantissant le financement des projets de développement en cours
Sécurité : L’organisation régionale a réitéré son besoin de coordination étroite avec l’AES pour contrer l’insécurité transfrontalière.
Conclusion : Vers une « Realpolitik » ouest-africaine ?
Le pari de Moscou est celui de la Realpolitik. En poussant la Cédéao et’ l’AES à coopérer sans forcément se réunifier, la Russie tente de stabiliser une zone où ses intérêts militaires et économiques sont désormais prédominants. Reste à savoir si les chefs d’État de la région sauront transformer ce « dialogue pragmatique » en une paix durable.