La Multiplication des scandales dans le monde des affaires et au-delà résonne comme autant de déviances individuelles qui ne sauraient être expliquées autrement que comme la conséquence de l’imperfection des procédures. Le contournement des règles appelle ainsi une réflexion centrée sur les systèmes de contrôle visant à juguler des comportements individuels déviants.
Pourtant, la triche nous interpelle en ce qu’elle semble aussi manifester une évolution de nos sociétés – riches et opulentes – confrontées à leurs propres contradictions qui suggèrent de nous interroger sur les rapports entre le progrès économique et l’éthique du monde des affaires. Il ne s’agit pas là d’une réflexion sur le caractère moral de l’activité économique. Mais plutôt de l’impact du progrès économique sur les valeurs adoptées dans la société. Autrement dit, la triche ne serait-elle pas un symptôme des dysfonctionnements de nos sociétés modernes, faisant écho à une rupture plus profonde, celle qui semble s’opérer entre la sphère économique et les autres sphères du champ social ?
Tout en participant de la naissance de l’économie politique, il faut cependant cultiver un point de vue critique, montrant à la fois comment les valeurs morales qui se propagent dans la société en conséquence du progrès économique sont aussi sapées dans un état de société riche et opulent. C’est précisément d’un déséquilibre entre ces différentes sphères que découlent ce que certains auteurs nomment la corruption des mœurs, celle qui conduit les individus à contourner les règles. L’interprétation des comportements de contournement des règles dans la repose en premier lieu sur une conception de la philosophie morale qui fait de la responsabilité et du choix les principes fondamentaux de la nature humaine.
C’est à partir de ces principes que se développe une théorie de l’action humaine qui autorise un parallèle entre la sphère économique et le domaine du jeu. Ce parallèle n’est pas tant lié à l’existence commune de règles dont le respect conditionne le fonctionnement de chacun des domaines. Il dérive plutôt des motivations de l’action qui, sont de même nature dans les deux domaines. C’est cette représentation originale de la société qui est à l’origine de l’idée selon laquelle le progrès économique est associé à une certaine forme de progrès moral. Cette idée, au cœur de la pensée, accompagne la naissance de l’économie politique.
La triche apparaîtra alors comme une des conséquences de la désagrégation du lien social engendrée par le repli des sociétés riches et opulentes sur la seule sphère économique. Les comportements de déviances ou de contournements de la règle sont amenés à se multiplier dans une société où les individus, ne se percevant plus comme une partie d’un tout, celui de la société, perdent le lien avec cette dernière