Les insurgés du Mouvement du 23 mars ont cédé le contrôle du camp militaire de Rumangabo à la force régionale de stabilisation alors que les combats se poursuivent dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. La cérémonie a été retardée d’une journée, le temps d’autoriser la presse à couvrir l’évènement.
Devant les caméras, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont officiellement cédé, vendredi 6 janvier, le contrôle du camp militaire de Rumangabo, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au contingent kényan de la force régionale est-africaine, déployée pour stabiliser le territoire du Rutshuru, où s’enchaînent les offensives des insurgés depuis fin 2021. Les affrontements armés ont entraîné le déplacement de plus de 200 000 personnes, selon les Nations unies. Les soldats ont aussi pour mission d’accélérer le désarmement et le cantonnement du M23, selon les résolutions du sommet de Luanda, où plusieurs chefs d’Etat de la sous-région s’étaient réunis, le 23 novembre 2022.
Sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC, selon le sigle anglais), le retrait des insurgés a officiellement commencé le 23 décembre à Kibumba, la position
du M23 la plus proche de Goma, dans l’espoir d’éloigner la menace d’une incursion dans la capitale régionale, comme lors de la précédente insurrection du M23 en 2012-2013, menée par des militaires congolais à dominante tutsi. Ce vendredi, le passage de témoin à Rumangabo entre le M23 et la force régionale est-africaine est tout aussi symbolique. Le camp est l’une des principales bases des Forces armées de la République démocratique du Congo ( (FARDC) l’armée nationale congolaise, de l’est du pays. « C’est un lieu stratégique. D’ici, on peut tout voir et tout contrôler », expliquait le colonel Ngila, commandant FARDC de la zone, avant la prise de Rumangabo par le M23, fin octobre.
La création d’une « zone tampon » entre les rebelles et les FARDC (…) pourrait permettre au M23 « de se créer une petite république ». Mais pour l’heure, l’armée nationale congolaise est tenue à l’écart et n’est pas présente dans les zones libérées. Seuls les militaires de l’EAC ont la charge de « reprendre les positions vacantes », selon un communiqué officiel publié sur Twitter le 31 décembre. La création de cette « zone tampon » entre les rebelles et les FARDC est largement critiquée par la société civile locale. Elle pourrait permettre au M23 « de se créer une petite république », dénonçaient des associations citoyennes dans un communiqué, le 23 décembre. Une crainte partagée par l’armée. « Ce désengagement est un leurre et une simple opération de publicité pour distraire les Congolais et la communauté internationale », estimait le porte-parole des armées congolaises, le général Sylvain Ekenge, samedi 24 décembre.
Selon plusieurs responsables locaux, le retrait promis par les rebelles n’est en effet pas effectif partout. « Particulièrement à Kibumba », pointe Gentil Karabuka, président d’un regroupement de mouvements citoyens. Si les « trois antennes », l’une des principales positions du M23, ont bien été abandonnées, les rebelles semblent vouloir garder une influence dans la zone. « Certains villageois, qui avaient dû quitter leur maison à cause du conflit, ont voulu rentrer chez eux, mais le M23 était encore bel et bien là », poursuit Gentil Karabuka. Alors que les cérémonies de retrait se multiplient au sud de la zone occupée par le M23, les combats n’ont jamais cessé sur le front nord, notamment dans le groupement de Binza où les FARDC sont absents depuis plusieurs semaines, rapportent plusieurs sources. Début janvier, après des affrontements avec une coalition de groupes armés locaux, les insurgés ont pris le contrôle de la localité de Nyamilima, située à une vingtaine de kilomètres de Ishasha, un poste douanier entre l’Ouganda et la RDC.
Les rebelles administrent déjà celui de Bunagana depuis juin, qui en moyenne leur rapporte, selon une estimation du groupe d’experts des Nations unies, 27 000 dollars par mois, soit plus de 25 000 euros. Dans le même rapport publié fin décembre, ce panel affirmait une nouvelle fois que le M23 est appuyé par l’armée rwandaise lors des combats contre l’armée congolaise. Une publication qui a entraîné des condamnations par plusieurs chancelleries occidentales et qui a crispé encore un peu plus les relations entre Kigali et Kinshasa.
Fin décembre, les deux capitales se sont accusées de déstabilisation par communiqués interposés. Les Rwandais ont reproché aux avions de chasse congolais d’avoir violé leur espace aérien tandis que les Congolais ont annoncé avoir démantelé un réseau d’espions rwandais. Les tentatives de l’EAC pour désamorcer le conflit sont pour l’instant restées vaines. Mais la force régionale entend continuer à encadrer le désengagement du M23. Prochaine étape ? Kishishe, le village où 131 civils auraient été tués par le M23, selon une enquête préliminaire de l’ONU. Pour l’heure, aucune date de retrait n’a été communiquée.