Le scrutin anticipé a été provoqué par la chute du gouvernement, en juin, alors que l’État hébreu est plongé dans une profonde crise politique. Le bloc de droite emmené par Benyamin Netanyahu pourrait arriver en tête, sans être en mesure néanmoins de former un gouvernement.
À 73 ans, Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien à la plus grande longévité, essaye de rallier une majorité de 61 députés sur les 120 du Parlement, avec ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de l’extrême droite qui a le vent en poupe.
Face à lui, il y a Yaïr Lapid, 58 ans, Premier ministre depuis juillet, dirigeant du parti Yesh Atid (« Il y a un futur », en français). Il a été le chef d’une coalition unique dans l’histoire d’Israël, car réunissant des formations de gauche, du centre, de droite et un parti arabe. La coalition de Yaïr Lapid a perdu sa majorité au Parlement avec le départ d’élus de droite, poussant le gouvernement à convoquer de nouvelles élections. Le gouvernement était trop hétéroclite pour résister longtemps et n’a tenu qu’un an.
Ce scrutin anticipé est un nouveau saut dans l’inconnu pour les Israéliens, car il n’y aura pas de véritable vainqueur. Le Likoud, le parti de l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahu, arrivera probablement en tête, mais ses chances de rafler la majorité sont quasiment nulles, analyse notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Depuis des années, plus aucune formation politique ne parvient à avoir de majorité. Il faut alors se lancer dans un jeu d’alliances politiques avec une mosaïque de partis de droite, de gauche, arabes, islamistes ou encore d’ultra-orthodoxes.
Cette dernière campagne électorale a été marquée par une forte montée de l’extrême droite. Deux partis ouvertement racistes et homophobes se distinguent : celui de Bezalel Smotrich, et d’Itamar Ben-Gvir. Une alliance de fanatiques, qui pourrait aider l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahu à revenir au pouvoir.
Enchaînement d’élections
Plus largement, Israël traverse une crise politique importante depuis avril 2019. Benyamin Netanyahu pensait alors certainement pouvoir se maintenir encore quelques années. Son parti était arrivé en tête des élections législatives, et avec ses alliés traditionnels, il avait une majorité au Parlement. Mais il a buté sur un obstacle: les exigences d’Avigdor Liberman, chef d’une formation ultranationaliste, mais laïque, devenues incompatibles avec les conditions posées par les formations religieuses.
Après plusieurs semaines de tractations, Benyamin Netanyahu a dû reconnaître son échec et il a fait voter la dissolution de la Knesset tout fraîchement élue. Un autre scrutin organisé en septembre 2019 se termine sur la même impasse. Le principal rival de Benyamin Netanyahu, Benny Gantz, n’arrive pas, lui non plus, à former un gouvernement. Le Parlement est alors à nouveau dissout, pour la deuxième fois en six mois. Mais les scrutins se suivent et les rapports de force restent à peu près les mêmes. Et au troisième scrutin organisé en moins d’un an, les deux rivaux se sont résignés à mettre en place une coalition improbable.
Mais la coalition a tenu moins d’un an, chutant sur le vote du budget, entraînant un quatrième scrutin. Cela fait alors deux ans que la crise politique dure. Et toujours aucun camp n’est en mesure de former un gouvernement stable. Le centriste Yaïr Lapid tente et réussit une alliance de quasiment toutes les oppositions : des partis les plus à gauche à des formations pro-colons en passant par des islamistes. Cette fois-ci, Benyamin Netanyahu est évincé, mais le gouvernement chute à nouveau, entraînant ces élections.
Des électeurs dépités
Face à cette situation, si certains électeurs restent fidèles à leur famille politique, d’autres ont le sentiment d’avoir tout essayé et de ne plus savoir que faire. Dans la rue, certains Israéliens ne veulent même plus mettre le pied dans un bureau de vote. Ces derniers sont lassés par des scrutins à répétition qui coûtent des millions aux contribuables. « Nous sommes plus divisés que jamais, se plaint une Israélienne. On nous monte les uns contre les autres. On se déteste et la haine est le carburant de la machine de guerre israélienne. Pendant qu’on s’entretue entre Arabes et Juifs, les responsables israéliens en profitent pour rester au pouvoir. La division est leur stratégie. Il y aura un sixième, un septième et huitième scrutin dans les prochains mois. »