Ajoutez votre titre ici

La note : Les critiques politiques

La récurrence de critiques souvent développées, argumentées et véhémentes des hommes, des partis et de l’action politiques est certainement le résultat le plus marquant de diverses enquêtes qualitatives portant sur le rapport que des personnes très diverses entretiennent avec la politique. Ces critiques proviennent d’individus d’âge, de sexe, de niveau de diplôme, de position sociale et d’orientation politique très variables. Rares sont ceux qui ne développent pas l’un au moins des arguments si souvent répétés.

Ces réactions sont d’autant plus significatives que les questions posées par les enquêteurs n’abordent jamais directement ces thèmes et que ce sont les enquêtés qui les développent eux-mêmes spontanément. Certaines de ces critiques ne sont pas spécifiques à la période actuelle et ont souvent été proférées dans le passé. Il est par exemple reproché aux hommes politiques de ne se préoccuper que de leurs intérêts propres, souvent associés à l’obsession du « poste » ou de la « place » qui est imputée aux politiques. Ainsi perçus, les hommes politiques sont du même coup souvent suspectés de « se servir sur le dos des populations», de « préférer le fauteuil au boulot », leur carrière à « l’intérêt du pays », leur « ambition personnelle » à « l’ambition de projet », le « pouvoir » à la « vision politique de la société ».

Une partie du public explique ainsi les travers censés caractériser les hommes politiques, notamment leurs préoccupations électoralistes, leur manque d’authenticité ou de sincérité, ou leur propension à « ne pas tenir leurs promesses », à « parler au lieu d’agir », à « ne rien faire » ou à se complaire dans des luttes ou des polémiques stériles. Le thème de la malhonnêteté supposée des hommes politiques est l’un de ceux qui reviennent le plus souvent dans ces réquisitoires. Étayé par des références à diverses affaires des dernières années, le sentiment que les hommes politiques en général, ou un grand nombre d’entre eux, commettent diverses malversations paraît récent ou, à tout le moins, semble s’être récemment généralisé. Récente est également l’impression assez générale d’une perte d’emprise du politique.

Le doute s’est introduit ou le scepticisme a été renforcé par le constat que les dirigeants ne parviennent pas à résoudre les principaux problèmes du moment, à commencer par le chômage. L’évolution économique des dernières années a convaincu une partie du public que les pouvoirs publics sont impuissants face au manque de croissance. Nombre de personnes en viennent à penser que le pouvoir des politiques est désormais limité par « l’Europe », la « mondialisation », la « prédominance de l’économie », la « finance » ou les capacités de mobilisation des groupes de pression.

Certains en concluent qu’il n’y a plus guère de différences entre les principaux partis, que tous les gouvernements entendent mener, mènent et ne peuvent que mener, à peu près la même politique et que les acteurs politiques s’opposent de manière artificielle en majorant leurs différences. Dans un tel contexte, le débat politique donne à certains une impression de répétition et engendre la lassitude. Le scepticisme à l’égard des programmes est général, ce qui n’empêche pas une partie du public de regretter la médiocrité de la politique et des perspectives de réforme ouvertes par les partis actuels. Nombre de personnes interrogées parlent de leurs sympathies au passé, considèrent pour le présent qu’aucun parti ne leur convient vraiment et qu’aucun homme politique n’avance des idées pleinement convaincantes et déclarent voter par habitude, davantage pour s’opposer à des partis dont les orientations sont jugées inacceptables que pour soutenir une orientation.

La prise de conscience de cet affaissement des croyances politiques s’est généralisée au cours des dernières années. Il serait trop long de recenser les analyses de statut très variable qui soulignent depuis la deuxième moitié des années 1980 la désaffection à l’égard de la politique, la montée de l’abstention, le repli sur la sphère privée, la fin des utopies et des grands récits, la déchéance des grandes organisations « verticales », le déclin de l’État-Nation et de la régulation politique, la volatilité de l’électorat ou la crise de la représentation. Des sondages fournissent régulièrement des indications chiffrées en ce sens2.

Les hommes politiques eux-mêmes semblent partager le diagnostic et en font un élément de leur stratégie3. Chacun semble ainsi d’accord pour penser qu’un désenchantement, diversement argumenté mais assez général à l’égard de la politique, peut être constaté et qu’il trouve son origine dans divers événements, évolutions et transformations des dernières années. Pourtant, l’observation attentive des attitudes de personnes très diverses conduit à corriger sensiblement ces conclusions trop hâtives.

Je voudrais montrer ici que la relation au politique est en réalité très ambivalente, qu’il existe plusieurs types de rapport critique au politique obéissant à des déterminations différentes, que l’un d’entre eux est anciennement attesté et n’est que marginalement affecté par les transformations contextuelles auxquelles on impute généralement les réactions d’hostilité à la politique, qu’un second s’est plus récemment développé du fait d’un ensemble complexe de facteurs, au nombre desquels figurent ces transformations contextuelles plus souvent évoquées que réellement analysées, mais dont les effets ne sont toutefois ni mécaniques ni nécessaires.

Redigé par:

Source:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partagez

Espace annonceur

Les Plus commentés

Hadj 2018 : Paul Biya fait un geste aux pèlerins
Douala: Serge Espoir Matomba muselé par le maire de Douala IV
Cameroun: Samuel Dieudonné Ivaha Diboua s’oppose aux actes de délinquances
Grand dialogue national: le passage mémorable des ex-combattants séparatistes

Articles qui pourraient vous plaire

Rechercher ...

Téléchargez notre application For you Media Africa dès maintenant

Ce site utilise des cookies

Nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations relatives à l’appareil. Nous le faisons pour améliorer l’expérience de navigation et afficher des publicités personnalisées. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou des identifiants uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir des conséquences négatives sur certaines caractéristiques et fonctions.