A Madagascar, depuis 2011, les industriels du secteur du savon se livrent à un âpre bras de fer au sujet des taxes douanières. D’un côté, les savonniers locaux, qui importent des matières premières taxées à 5% pour fabriquer ensuite leurs savons, sur l’île. De l’autre, leurs concurrents, qui se revendiquent eux-aussi savonniers, importent des copeaux de savon qu’on appelle bondillons. Ce sont ces bondillons qui sont au cœur des tensions. Depuis 2011, ce matériau est considéré non plus comme un produit fini taxé à 20% mais comme un produit semi-fini, taxé alors à 10%. Selon les savonniers locaux, cette baisse des taxes douanières a provoqué une compétitivité impossible à concurrencer. Depuis, ces derniers n’ont eu de cesse de réclamer le retour à une taxe à 20% sur les bondillons. Une demande qui pourrait être satisfaite si l’on en croit le projet de loi de finance 2022 mais qui provoque déjà l’ire des importateurs de bondillons.
A chaque rentrée parlementaire depuis 2011, les industriels du savon, repartent en croisade pour que les bondillons de savon importés soient à nouveau considérés comme un produit fini aux yeux de la douane et donc plus fortement taxés.
« Tant que ces importations-là seront favorisées par des taxes faibles, nous producteurs locaux de savon, nous ne serons jamais compétitifs. » Pour Thierry Ramaroson, directeur général de la Savonnerie Tropicale, difficile en effet de rivaliser. Son savon, fabriqué localement, est vendu 60% plus cher que celui fabriqué à base de bondillons importés. Face à cette concurrence redoutable, en dix ans, sa production a chuté de plus de moitié.
« La conséquence, c’est que nous sommes bloqués au niveau de nos volumes de production : nos savons, parce que plus chers, ont plus de mal à se vendre sur le marché. Or une industrie, tel que son nom l’indique, doit faire du volume. Plus une industrie fait du volume, plus son coût de revient est faible et plus cela peut se répercuter sur son prix de vente. S’il est bas, il sera à la portée du faible pouvoir d’achat des consommateurs malgaches. La situation actuelle, elle fait le jeu des savonneries étrangères, en Indonésie, en Malaisie, qui elles, continuent de tourner à plein régime. Et ça clairement, pour nous, c’est de la délocalisation de savoir-faire et d’emploi, alors qu’on pourrait tout produire ici localement. »
La douane malgache vient de décider d’adhérer au Système Harmonisé, une nomenclature internationale propre aux douanes qui considère les copeaux de savon comme des produits finis. De quoi réjouir les savonniers mais contrarier la douzaine d’industriels de transformation de bondillons, à l’instar de Salim Dramsy, gérant de la savonnerie Seim. « Je ne comprends pas l’administration. Le lait en poudre est considéré comme un produit semi-fini, les taules planes sont considérées comme un produit semi-fini, les bondillons de plastique sont considéré comme un produit semi-fini. Alors pourquoi les bondillons de savon ne sont pas considérés de la même manière ? C’est purement concurrentiel. Ils veulent nous éliminer. »
« L’argument qui a toujours été avancé par ces pseudos savonniers, contrecarre Thierry Ramaroson, c’est de dire que ces bondillons de savon, ne sont pas du savon. Or c’est bien-là, la supercherie. La preuve, quand on se lave les mains avec ces copeaux de savon, cela produit exactement le même effet que si on se lavait les mains avec du savon. Donc il faut arrêter de prétendre qu’on est fabriquant de savon quand on importe déjà du savon », insiste-t-il.
Du savon à base d’huile animale
L’entente entre les deux camps semble impossible. Les transformateurs de bondillons possèdent à eux seuls 65% du marché du savon malgache. Leur compétitivité, ils la doivent à l’import. Hors de question d’acheter leurs copeaux localement.