C’est la preuve que même les organisations régionales ouest africaines ne tiennent plus sur le principe d’unicité des décisions.
C’est un début de succès heureux de la junte malienne, face aux organisations régionales. La Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uéoma) a en effet ordonné, jeudi 24 mars, la suspension de sanctions prises en janvier contre le Mali en raison de la transgression par les militaires de leur engagement à un retour prochain des civils au pouvoir. La Cour de justice de l’Uémoa, saisie par les avocats de l’État malien, a ordonné le « sursis à exécution » des sanctions décidées le 9 janvier par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de cette organisation.
Ce sujet était au programme du sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui s’est tenu en fin de semaine dernière dans la capitale du Ghana. La décision de la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) ajoute une inconnue à la confrontation diplomatique en cours. Elle a été rendue à la veille du sommet d’une autre organisation régionale, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), consacré au Mali. L’Uémoa avait alors suspendu le Mali de ses organes, endossé des sanctions prises par la Cédéao comme le gel des avoirs financiers d’environ 150 personnalités liées à la junte malienne, et surtout annoncé « des sanctions additionnelles vigoureuses incluant notamment des sanctions économiques et financières ».
Elle avait dit qu’elle se solidariserait avec les mesures de rétorsion que prendrait ultérieurement la Cédéao, dont les pays de l’Uémoa sont tous membres. Dans la foulée du sommet de l’Uémoa, la Cédéao avait annoncé la fermeture des frontières avec le Mali et suspendu les échanges financiers et commerciaux autres que ceux de produits de première nécessité.
Les organisations régionales sévissaient ainsi contre le projet alors affiché par les militaires de se maintenir encore jusqu’à cinq ans de plus à la tête de l’État, alors qu’ils s’étaient initialement engagés à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la direction de ce pays pris dans la tourmente sécuritaire et politique depuis 2012.
L’impact potentiel de ces sanctions sur un pays pauvre et enclavé a suscité une vive inquiétude, mais aussi un large ressentiment, au-delà du Mali, contre les organisations régionales. Les autorités maliennes ont accusé la Cédéao de se laisser instrumentaliser par la France, en pleines tensions diplomatiques entre Bamako et Paris. Mi-février, un collectif d’avocats mandatés par le gouvernement malien avait saisi la Cour de justice de l’Uémoa de deux requêtes : l’une pour demander l’annulation de sanctions illégales selon eux, et une autre pour les suspendre.
C’est sur cette dernière requête que s’est prononcée la Cour de justice en attendant de statuer sur le fond. La Cour note qu’elle peut ordonner un sursis d’exécution en cas « d’urgence ». Les arguments de l’État du Mali quant à ce caractère d’urgence sont « fondés dans la mesure où application (des) sanctions risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables au regard de l’impact social, économique et financier », dit-elle.