Une dizaine de personnes révélant des informations concernant des actes illégaux, illicites ou contraires à l’intérêt général ont fait les frais de l’absence de législation. En adoptant une telle loi, le Sénégal serait le premier pays d’Afrique francophone à légiférer sur la protection des lanceurs d’alerte.
Le 28 juin 2023, Oudy Diallo a croisé un gendarme attablé avec deux ressortissants Chinois dans un restaurant de Kédougou, région aurifère à 700 kilomètres au sud-est de Dakar. Il a entendu l’homme en tenue négocier pour eux un contrat minier avec des autorités locales, rapporte le Monde.
Discrètement, le président de l’association Alerte Kédougou Environnement a pris une photo, qu’il a publié sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, il a été arrêté chez lui, devant sa mère et ses enfants, avant d’être condamné à six mois de prison ferme pour « diffusion de fausses nouvelles » et « diffusion de données à caractère personnel. »
Comme une dizaine d’autres personnes dans le pays, le défenseur de l’environnement a fait les frais de l’absence de loi qui protège les lanceurs d’alerte, ces personnes qui révèlent des informations concernant des actes illégaux, illicites ou contraires à l’intérêt général dont elles ont été témoin. Des acteurs pourtant essentiels pour lutter contre la corruption et les détournements de deniers publics, mais dont les révélations ont souvent été sanctionnées, ces dernières années, au nom de la lutte contre les fausses nouvelles ou la violation du secret professionnel.
Pour pallier à cela, le nouveau président Sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a promis au lendemain de son élection le 24 mars, de porter un projet de loi pour la protection des lanceurs d’alerte. Le chef d’Etat, qui dit vouloir œuvrer pour plus de transparence et de bonne gouvernance, a demandé au ministre de la justice Ousmane Diagne de finaliser le texte avant le 15 mai. Son contenu n’a toujours pas été divulgué.
Trois autres pays, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Nigeria, sont en train de travailler à une législation, mais ces initiatives n’ont pas encore abouti et n’émanent pas directement du chef de l’Etat. En Afrique anglophone, seuls onze pays protègent légalement les lanceurs d’alerte…l’absence de législation met les lanceurs d’alerte dans des situations de vulnérabilité, beaucoup sont victimes de représailles juridiques ou professionnelles.