Les propos du président Tunisien tenus lors d’un Conseil national de sécurité ont mis la Tunisie au ban des nations. Kaïs Saïed a clivé la société tunisienne, insulté les Africains, désigné les Subsahariens comme des fauteurs de troubles. La Banque mondiale a décidé de suspendre ses travaux avec la Tunisie après que les déclarations du président du pays sur les migrants d’Afrique subsaharienne ont déclenché des actes de harcèlement et de violence à caractère raciste. David Malpass, le président du groupe de la Banque mondiale, dans une note interne l’a d’ailleurs signifié.
Parmi les élites économiques du pays, le coup est rude. A titre d’illustration, lundi, la Conect (confédération d’entreprises dirigée par Tarek Chérif, premier exportateur du pays), précisait que « les relations entre la Tunisie et les pays d’Afrique subsaharienne sont très soudées, il est primordial de les préserver et de les développer davantage pour accroître la collaboration Sud-Sud ». Depuis le discours présidentiel, plusieurs enseignes de l’enseignement supérieur ont perdu des étudiants. Guinée, Côte d’Ivoire, Mali ont rapatrié leurs ressortissants qui le souhaitaient. Najla Bouden, la cheffe du gouvernement, a tenté d’éteindre l’incendie en recevant des ambassadeurs tout en défendant la théorie développée par son président.
Si une partie de la population soutient la croisade anti-subsaharienne de Kaïs Saïed, une autre la combat. Si Saïed a toujours vomi les élites, les qualifiant au mieux de « corrompus », « cafards », « Satan », c’est la première fois depuis son élection que les grands patrons (dont quelques grandes familles qui possèdent l’économie) manifestent un désaccord poliment tourné.
La Conect insiste sur le rôle des « universités ouvertes à des dizaines de milliers d’étudiants africains ». Selon des observateurs avertis, le message de la Banque mondiale vise « là où c’est efficace : le portefeuille ». Depuis 2011, ce sont des milliards qui ont été investis en Tunisie par l’Institution. Transports, infrastructures, électricité, eau : tous les investissements cruciaux des entreprises d’État (Steg, Sonede, ONAS, Transtu…) se sont accoudés pour moitié aux financements de la Banque mondiale.
Si Tunis a fait des annonces visant à améliorer le quotidien des Africains en Tunisie (obtention des papiers, levée des frais de séjour…), la Banque mondiale attend de les voir en faits avant de réviser sa décision. De son côté, l’Union africaine a condamné « un discours de haine raciale ». La Tunisie, un des pays fondateurs, pourrait être temporairement mise à l’écart par l’organisation si Kaïs Saïed n’amende pas ses propos.