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EDITO : Rêves brisés

Ils sont les réfugiés invisibles de la guerre en Ukraine. Etudiants ou sportifs originaires d’Afrique, tous ont vu leurs projets se fracasser le 24 février 2022 au petit matin. Pour ceux qui ont choisi la France, la vie d’après s’apparente à un parcours sans fin et éreintant. Au soulagement d’avoir survécu aux bombes russes et aux violences racistes aux frontières ukrainiennes a succédé le sentiment de vivre perpétuellement en sursis. Car contrairement aux Ukrainiens, les réfugiés africains ont été exclus de la protection temporaire. Cette directive européenne, activée dès le 4 mars, autorise pour une durée de douze mois (renouvelable jusqu’à trois ans) l’accès au travail, au logement, à une assistance sociale et médicale à travers tous les Etats membres. Une décision validée par le Conseil d’Etat fin décembre en France.

Hans Mayela, 27 ans, n’en finit plus d’attendre que sa vie reprenne son cours. Quand la guerre a éclaté, l’étudiant congolais installé à Dnipro (centre de l’Ukraine) était à « trois petits mois » de son doctorat en médecine générale. Il se voyait poursuivre une spécialisation en orthopédie, puis rentrer au Congo-Brazzaville. Les premiers bombardements russes l’ont sidéré : Hans Mayela fait les comptes de ses six années d’études en Ukraine : près de 22 000 dollars (environ 20 600 euros). L’étudiant finit par sauter dans un train pour Kiev avec sa petite amie congolaise, elle aussi étudiante. A la frontière polonaise, afin d’échapper au tri discriminatoire pratiqué par certains agents ukrainiens envers les ressortissants africains, Paola K. affirme qu’elle est enceinte.

Le couple prend la direction de la France, pays qui leur semble familier du fait de la langue.Arrivés au centre d’accueil des réfugiés à Paris, ils sont immédiatement hébergés par SOS Solidarités dans un hôtel associatif situé aux portes de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Mais faute d’avoir obtenu un titre de séjour – leur demande est toujours en cours, les deux étudiants sont contraints de quitter les lieux. Ils sont désormais hébergés chez une amie à Vannes, d’où ils tentent de reconstruire un parcours professionnel et universitaire. Si certains pays du continent, comme le Maroc, ont rapatrié leurs ressortissants dès le début de l’invasion russe, des centaines d’Algériens, Camerounais, Ivoiriens ou Guinéens sont restés en Europe. Un millier d’entre eux ont transité par la France, seule la moitié y serait restée.

Chez ces jeunes, l’incompréhension demeure quant au traitement différencié pratiqué en France entre réfugiés ukrainiens et ressortissants de pays tiers. Alors que 2 000 étudiants ukrainiens sont inscrits dans l’enseignement supérieur et bénéficient d’une aide matérielle et psychologique, leurs camarades africains, eux, n’ont vu les portes des universités s’ouvrir qu’en juillet, suite à une circulaire du ministère de l’enseignement supérieur émise après les plaintes de directeurs d’établissements et d’associations.  Le traitement discriminatoire subi dès leur arrivée n’en finit plus de se répercuter sur leur parcours. Et ce d’autant que leur dossier n’est pas une priorité politique, estime Pierre Henry, président de l’association France Fraternités. Pourtant, ils sont un atout pour la France, qui n’a pas payé leur formation et gagnerait à soutenir leur réinsertion.

C’est un énorme gâchis. En un an, l’association a comptabilisé 25 obligations de quitter le territoire français (OQTF) parmi les étudiants réfugiés.  L’impression d’une trajectoire brisée, c’est le sentiment de Mohamed Zidane Diarrassouba, 17 ans. L’ancien joueur du Metalist 1925 Kharkiv, réfugié à Caen, s’accroche malgré tout à ses rêves de footballeur. Dans la ville ukrainienne, le jeune Ivoirien évoluait en première division. En Normandie, il partage ses journées entre le lycée, où il suit un bac pro gestion, et ses entraînements à la Maladrerie Omnisports, un club amateur. Bouillonnant, Mohamed Zidane Diarrassouba a la désagréable sensation de vivre une relégation.

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