L’Union africaine pourrait prochainement siéger dans le club des 20 pays les plus riches. Mais l’accession d’un pays du continent au statut de membre permanent du Conseil de sécurité semble encore irréaliste. L’Afrique et ses 1,3 milliard d’habitants doivent être mieux représentés dans les instances dirigeantes internationales. En apparence, le sujet fait l’unanimité. En visite au siège de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, jeudi 16 mars, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, l’a une nouvelle fois souligné, assurant le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, de son « soutien pour une représentation africaine dans les institutions multilatérales comme le Conseil de sécurité des Nations unies et le G20 ». Pourtant, rien ne bouge.
Avec ses 54 Etats (55 en comptant la République arabe sahraouie démocratique, comme le fait l’UA), le continent ne dispose toujours que de trois sièges non permanents au Conseil de sécurité. Des démarches ont été engagées dans les années 1990 pour faire évoluer les choses. Depuis 2005 et le« consensus d’Ezulwini », l’UA réclame pour l’Afrique deux nouveaux sièges permanents avec droit de véto et cinq sièges non permanents. Les chefs d’Etats africains réunis dans la capitale éthiopienne pour le sommet de l’UA ont rappelé, les 18 et 19 février, leur attachement à cette requête. Une demande d’autant plus légitime, a souligné Moussa Faki, que « 60 % des décisions traitées au sein du Conseil de sécurité concernent le continent africain ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, présent lui aussi à Addis-Abeba, l’a reconnu : « La plus grande injustice au Conseil de sécurité est l’absence d’un Etat africain en tant que membre permanent. ». Une position à laquelle se rallient désormais ouvertement de nombreux pays occidentaux. L’Allemagne et la France se sont récemment portées garantes d’une plus large inclusion africaine dans l’organe suprême. Elles l’ont répété au siège de l’UA lors d’une visite conjointe en janvier. La Chine, la Russie et les Etats-Unis ont également soutenu l’idée d’une réforme. « C’est maintenant à l’Afrique de les prendre au mot », estime Solomon Deresso, du think tank Amani Africa.
Parmi les diplomates africains réunis en février à Addis-Abeba, le doute domine. Beaucoup reprochent au « P5 », les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, de se payer de mots. « Les pays occidentaux pensent que ce genre de déclaration d’intention va plaire et apaiser les Etats africains », estime Jackie Cilliers, fondateur de l’Institut d’études de sécurité (ISS). « Pour les pays du P5, ça fait bien de dire qu’ils sont en faveur d’une réforme, mais aucune initiative concrète n’a vu le jour jusqu’à présent », ajoute Paul-Simon Handy, chercheur de l’ISS, spécialiste de l’UA. Des pays comme le Brésil, l’Inde et le Japon plaident également pour un élargissement du Conseil de sécurité en leur faveur. Techniquement, pour qu’une réforme voie le jour, elle doit être proposée lors d’un vote de l’assemblée générale de l’ONU, puis ratifiée par tous les membres permanents du Conseil de sécurité. Un processus qui s’est jusque-là heurté à la réticence de l’un ou l’autre membre du P5.
Sans compter que des pays comme le Brésil, l’Inde et le Japon plaident également pour une refonte et un élargissement du Conseil de sécurité en leur faveur. « Ceci dit, les obstacles sont aussi à chercher du côté africain. Il n’y a pour l’instant pas de consensus sur les pays qui pourraient représenter l’Afrique, entre le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Egypte », indique Paul-Simon Handy. Une question largement éludée lors du dernier sommet de l’UA. Dans le même temps, une autre opportunité s’est présentée au continent, plus accessible cette fois-ci : le G20 pourrait ouvrir ses portes à l’UA. La main tendue par Emmanuel Macron lors du sommet du G20 de Bali, le 16 novembre, et par Joe Biden pendant le sommet Etats-Unis-Afrique, le 10 décembre, pourrait se concrétiser dès cette année car l’Inde, présidente en exercice du forum, serait également favorable à une intégration africaine.
Le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, en tant que président en exercice de l’UA, avait fait le déplacement à Bali pour plaider la cause du continent. Le multilatéralisme, avait-il insisté, devrait « servir les intérêts de tous », sous peine de s’exposer à une « perte de légitimité et d’autorité ». Dans l’hypothèse d’une intégration africaine, Moussa Faki représenterait le continent dans le club des 20 pays les plus riches. Une ligne soutenue par l’Afrique du Sud, seul pays africain membre du forum.