Persécutés. Emprisonnés. Déportés. Disparus. Décapités. Assassinés. Machettés. Brûlés vifs. Pris en otage. Contraints à l’exil. Les journalistes, les vrais. Passent par l’une ou plusieurs de ces cases, caractéristiques de la situation dégradante de la liberté d’expression et d’opinion dans de nombreux pays. Certains ont péri dans l’explosion de leur voiture. D’autres tombés sous les balles. D’autres encore ont été étranglés à mort ou Découpés en morceaux. Le Cameroun ne compte pas parmi ces cas extrêmes. Néanmoins, quand un journaliste est pris—fait rare—, il peut être oublié en prison—Cas de Emmanuel Mbombog Mbog Matip.
Investigateur généraliste
Témoins des réalités humaines, les journalistes sont les Historiens du présent. Les conteurs. Les porteurs de rêves et d’aventures. Pour ce faire, ils doivent être des journalistes non-corrompus. Souverainistes. Non-cocufiés aux prédateurs Occidentaux. Non-alliés aux castes sectaires. Non-dépendants des ONGs-a-immorales. Etre simplement des journalistes qui instruisent. Forment. Alertent. Préviennent. Eveillent les consciences. Mais dérangent. Mbombog est sûrement de cette race.
Ses enquêtes embrassent des sujets variés—corruption, détournement de fonds public, exactions, crimes organisés ou tentatives de coup d’Etat. Face à ces sujets, se dressent sa parole. Ses mots. Sa plume. Sa voix. Son crayon. Il est aussi très connu pour ses prises de position en faveur des handicapés moteurs. La pluralité de ses enquêtes le classe parmi les journalistes qu’on pourrait appeler ‘investigateurs généralistes.’
Des ‘Affaires’ qui dérangent
Au moment de son kidnapping, il enquêtait sur deux affaires. La première portait sur le rapt manqué d’un homme d’affaires Togolais. Dans les faits, deux soldats-déserteurs de l’Armée Camerounaises—Ewondjo Elé Serge et Omarou Abou Fadil—, et trois civils—Amadjoba Aboubacar alias Ibrahim, Kaméni Kevin, et N’Tanga Mongo Clément alias Tony (chef de gang) sont impliqués dans cet enlèvement. Ces malfrats sont appréhendés le 20 Mai par la Police Togolaise au quartier Agoè-Nyivé Anyonmé, à Lomé, pour possession d’armes et tentative de braquage.’ le 27 Mai, ils sont présentés à la presse par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Le récit de Douti Yendoubé, Commandant de la Brigade de Recherches et d’Investigations de la DCPJ est informatif. Il instruit. ‘Lors de la perquisition de leur domicile, les enquêteurs retrouvent et saisissent deux pistolets automatiques dont un avec son chargeur garni de 6 cartouches de calibre 9 mm.’ L’exploitation de N’Tanga, braqueur-en-chef renseigne qu’il avait ‘reçu une avance de 36 millions de FCFA d’un Commandant de l’Armée Camerounaise en service à la Présidence Camerounaise pour livrer un véhicule de marque Mercedez G5.’
Au lieu de s’approvisionner au Port de Cotonou comme préalablement prévu, ces bandits se décident d’arpenter les rues de Lomé pour braquer quiconque serait en possession du précieux sésame. Un homme d’affaires Togolais échappe à leur grappin et informe la Police qui les prendra plus tard dans son filet. Lorsque Mbombog se saisit de cette ‘Affaire,’ il creuse la piste de la Présidence déjà révélée par la DCPJ. Outre cette ‘Affaire,’ il enquêtait aussi ‘sur le complot ourdit contre le Président de la République du Cameroun et planifié par certaines hautes personnalités.’
Ces deux affaires apparemment déconnectées semblent avoir leur cellule de coordination dans l’entourage du Chef de l’Etat Camerounais. Un nom est souvent cité. Même si, le détenu, ‘Directeur de publication de ‘Climat Social,’ affirme ne pas connaître son plaignant.’ Ecrit le Syndicat National des Journalistes Indépendants du Cameroun (SYNAJIC), le 1er Mars 2021.
Assassinat manqué
Le communiqué du SYNAJIC indiquait que Mbombog avant d’être enlevé le 17 Août 2020 par des hommes encagoulés, avait échappé à une tentative d’assassinat la veille à son domicile. Le Directeur de la Sécurité Militaire, Joël Emile Bamkoui aurait été la cheville ouvrière de ce Kidnapping aborde le communiqué. Torturé puis transféré au Secrétariat d’Etat à la Défense chargé de la Gendarmerie (SED), il est séquestré dans des conditions deshumanisantes. Le 7 Septembre, Emmanuel Mbog est déferré à Kondegui. Détenu pour ‘propagation de fausses nouvelles’ sans jamais avoir été notifié de cette charge, il est ‘traduit devant le Tribunal Militaire.’ Pourtant, conformément à la législation, la loi sur la presse est la base sur laquelle le journaliste devrait être jugé en cas de diffamation faite sur une radio ou dans la presse. Sauf s’il s’agit d’un cas d’exception. Mbog Matip n’est pas dans l’exception. Il est poursuivi pour ‘diffamation sur la base d’une plainte’ dont ‘le plaignant est inconnu’ selon le communiqué du 1er Mars 2021 du SYNAJIC
Détenu arbitraire, il lui est ‘interdit de visites familiales et pis encore, de soins médicaux appropriés car handicapé moteur des deux pieds depuis 1992’ suite à un accident de route. Explique le SYNAJIC dans sa lettre du 25 Mars 2021 à Beti Assomo—Ministre Délégué auprès de la Présidence de la République Chargé de la Défense. Dans cette lettre, Alex Koko à Deng, Président National du SYNAJIC, plaide pour que Mbombog Mbog, dont le ‘mandat de détention [provisoire] est arrivé à son terme le 7 mars 2021,’ soit, ‘libéré.’ Et ‘dans le pire des cas,’ qu’il comparaisse ‘non pas devant le Tribunal Militaire mais par devant un Tribunal civil, car les faits qui lui sont reprochés relèvent plus d’un délit de presse que d’un crime.’
Comme Politkovskaya
Ne pas accéder à l’une ou l’autre requête d’Alex Koko à Dang., ressemblerait à une prise en otage de Mbombog. Option qui renforcerait l’argument selon lequel, ses enquêtes le conduisaient vers le bon filon. Et qu’il était sur le point de coller des noms aux visages qui se cacheraient derrière ces ‘Affaires.’ La demande de, à Deng mérite attention. Car, contrairement à certains journalistes qui foutent leur nez dans des affaires ‘propres’ pour leur donner un goût faisandé juste pour du beurre, Mbombog n’enquêtait pas pour nuire. Provoquer. Ou manipuler l’opinion. Ses dénonciations étaient un acte de salubrité publique.
Par conséquent, il a fait juste son travail. Pour cela, on peut lui appliquer cette réflexion de la journaliste Anna Politkovskaya, morte le 7 Octobre 2006 à Moscou, qui a écrit. ‘Je ne suis qu’un être humain parmi des millions… Je me contente de témoigner de l’instant présent et d’écrire ce que je vois.’ Sur ces mots, Mbombog Matip mérite d’être ‘élargi’ ne serait-ce que pour les valeurs du Cameroun—‘Paix. Travail. Patrie.’ Si ces geôliers croient encore en ces valeurs.