22 décembre 2024, 5:55 am

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Edito : quel modèle de démocratie pour l’Afrique ?

Le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte militaire guinéenne, a déclaré à la tribune des nations unies que le modèle occidental de démocratie ne fonctionne pas en Afrique et a défendu le recours au coup d’Etat en Afrique en raison d’un contexte particulier. Il a déclaré à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York que le continent souffre « d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé » et a « du mal à s’adapter à notre réalité ». « Il est temps d’arrêter de nous faire la leçon et d’arrêter de nous traiter comme des enfants », a-t-il ajouté.

Le colonel Doumbouya a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en 2021 qui a renversé le président Alpha Conté. Il a défendu cette action devant l’Assemblée générale des Nations Unies, affirmant qu’elle visait à « sauver notre pays du chaos total ». La question lancinante est donc de savoir s’il faut réinventer la démocratie en Afrique ? En 2007, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 15 septembre « Journée internationale de la démocratie », dans le cadre d’une résolution visant à encourager les gouvernements à renforcer et consolider la démocratie.

Depuis lors, cette Journée est célébrée chaque année dans le monde entier. Ce mode de gouvernance semble pourtant mis à mal sur le continent avec une multiplicité de coups d’Etats. Le dernier en date est intervenu au Gabon, où le président Ali Bongo Ondimba a été renversé par un groupe d’officiers supérieurs de l’armée dans la nuit du 29 au 30 août 2023. Le putsch est intervenu quelques heures après la proclamation des résultats de la présidentielle par le Centre gabonais des élections, donnant Ali Bongo Ondimba vainqueur avec 64,27 % des suffrages, contre Albert Ondo Ossa (30,77 %), candidat désigné par une large partie de l’opposition. L’armée a déclaré que l’élection « ne remplissait pas les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par le peuple gabonais ».

Le respect des droits de l’homme et le principe de la tenue d’élections transparentes et périodiques au suffrage universel, sont des valeurs qui constituent des éléments essentiels de la démocratie. Pourtant dans de nombreux pays, les élections sont devenues des sources de déstabilisation, de frustrations et de tensions. Les nombreuses irrégularités constituent une entrave pour les avancées démocratiques, selon Hilaire Kamga, juriste, spécialiste des questions électorales. « À partir de l’instant où le système électoral n’est pas crédible, il va de soi qu’il y a une contestation des élus issus des élections. Et de ce point de vue, il ne peut y avoir que des élections conflictuelles comme c’est le cas de plus en plus en Afrique », explique M. Kamga.

La méfiance à l’égard des processus électoraux et l’absence de confiance des citoyens et des acteurs politiques dans leur système de gouvernance, ne contribuent guère à assurer des scrutins pacifiques et crédibles. La crise de confiance s’explique par le non-respect des règles formelles de la démocratie électorale et les manipulations fréquentes du processus électoral par les pouvoirs en place. La crise de confiance est existante parce que les règles de l’évolution de pouvoir ne sont généralement pas consensuelles dans la plupart des pays africains, et donc à partir de l’instant où il y a une démarche qui vise simplement à conforter ou alors à consacrer des gens qui sont en place puisque dans la plupart des cas, ce sont ceux qui sont au pouvoir qui organisent des élections et donc ils organisent pour se maintenir au pouvoir et donc de ce point de vue, ils font …que le mécanisme ne peut y avoir de contestation par la suite.

Le respect des droits de l’homme et le principe de la tenue d’élections transparentes et périodiques au suffrage universel sont des valeurs qui constituent des éléments essentiels de la démocratie. Avec le putsch du 30 août au Gabon, l’Afrique a connu son huitième coup d’État en trois ans. La plupart d’entre eux ont eu lieu dans les pays francophones. Pour légitimer leurs prises de pouvoir, les putschistes évoquent souvent des raisons sécuritaires, les défaillances dans la gouvernance ou le manque de démocratie.

En Guinée, les raisons démocratiques sont ainsi évoquées pour justifier le renversement du président démocratiquement élu. Le 5 septembre 2021, le président Alpha Condé a été renversé par des militaires conduits par le Colonel Mamady Doumbouya qui est alors à la tête des forces spéciales, une unité d’élite de l’armée, et devient président. Dans son discours à la télévision nationale, le Colonel Mamady Doumbouya dénonce les tares du pouvoir caractérisé par une gabegie financière, la politisation à outrance de l’administration publique, la pauvreté et la corruption endémique.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le président Roch Marc Christian Kaboré est poussé à la démission par des militaires, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est investi président en février. Mais le 30 septembre, Damiba est à son tour renversé par des militaires, le capitaine Ibrahim Traoré est investi président de transition, il doit diriger le pays jusqu’à l’élection présidentielle prévue en juillet 2024. « La raison avancée par le MPSR ( le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration), pour son coup de force en janvier était l’incapacité du président élu Roch Marc Christian Kaboré à faire face à l’insécurité endémique. Sans pour autant évoquer le reste de coups de forces enregistrés en Afrique, il est clair que la démocratie a encore du beau chemin dans notre continent.

Il est effectivement temps que l’Afrique fasse son aggiornamento. Si aujourd’hui les modèles que nous avons de démocratie, de type démocratie participative, représentative, si ces modèles sont ceux qu’on nous a imposés au sortir des indépendances et sont ces modèles-là qui sont enseignés dans la plupart des écoles, des universités et les sciences politiques, à partir de cet instant-là, il y a quelque part un éloignement de la conception endogène de la dévolution de pouvoir par rapport aux fondamentaux de l’Afrique comme tel que le décrivait Cheikh Anta Diop, et de ce point de vue, si un modèle importé a fait son temps sur soixante ans, il est peut-être temps que les Africains repensent la dévolution de pouvoir en puisant dans les modèles endogènes de gestion, de l’évolution de pouvoir dans ce qu’il y avait avant la colonisation. Le président béninois Patrice Talon, lors d’un sommet virtuel de la Cedeao, en août 2020.

Et donc si de tels modèles, si de tels éléments d’endogénéisation étaient envisagés, il va de soi que, tout en prenant ce qui est intéressant dans la démocratie de type occidental, on pourrait peut-être affiner avec les fondamentaux de dévolution et de légitimation de pouvoir africain qui pourtant existent parce qu’il y a beaucoup de courants de pensée qui ont travaillé là-dessus. Mais même pour ce qui est de la politique occidentale, un leader comme le guide Mouammar Kadhafi avait théorisé dans sa troisième théorie, la démocratie de type africaine, oui, c’est une démocratie populaire. Et pour ceux qui ont été en Libye, ils savent quand même que dans la Jamahiriya, il y avait un système de représentation qui émanait de la base vers le sommet de manière fondamentale. Donc, en Afrique, il y a quand même des fondamentaux, des matériaux intellectuels suffisants pour repenser la démocratie, sinon endogénéiser la démocratie qu’on a aujourd’hui pour qu’il y ait moins de conflits post électoraux.

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