27 décembre 2024, 3:39 am

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Togo : les six décennies du règne des EYADEMA

Les dynasties familiales jouent depuis longtemps un rôle important dans le façonnement des paysages politiques des nations du monde entier. Des Bush aux États-Unis aux Kim en Corée du Nord, des Bhuttos au Pakistan aux Trudeau au Canada, certains noms de famille sont devenus synonymes de pouvoir et d’influence.

 Au Togo, en Afrique de l’Ouest, la famille Gnassingbé est au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle, le président actuel, Faure Gnassingbé, étant en fonction depuis 2005. Alors qu’il fait adopter des changements constitutionnels qui pourraient prolonger son règne, des questions se posent quant aux implications pour la démocratie dans la région.

La généalogie des Gnassingbé

 En 1967, alors que l’actuel président n’avait que neuf mois, son père Gnassingbé Eyadéma s’est emparé du pouvoir dans ce pays d’Afrique de l’Ouest à la suite d’un coup d’État militaire. À la mort d’Eyadéma en 2005, son fils Faure Gnassingbé est devenu président. Depuis, il a résisté à de nombreuses manifestations, à la menace de coups d’État militaires et à une baisse de popularité pour rester à la tête du pays.

Le président Gnassingbé devrait rester en place jusqu’en 2031 après que l’Assemblée nationale, dominée par son parti, l’Union pour la République (UNIR), a adopté vendredi 19 avril une nouvelle constitution qui modifie le système de gouvernance du pays, passant d’un système présidentiel à un système parlementaire. Il n’y a pas de successeur visible et probable à l’heure actuelle. La constitution actuelle, que le président va probablement promulguer, en est la preuve. Le président n’est pas en train de préparer quelqu’un pour lui succéder et l’opposition n’est pas non plus une force crédible. C’est dire si l’avenir politique repose exclusivement entre les mains des Eyadema.

Révisions constitutionnelles

 

La modification de la constitution est la principale tactique utilisée par les Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir. Voyons comment cela s’est passé :

En 2002, sous la présidence d’Eyadéma, le Parlement a supprimé la limite de deux mandats présidentiels qui figurait dans la constitution de 1992. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2005, Faure Gnassingbé a bénéficié de ce changement. Mais en 2017 et 2018, son règne prolongé a provoqué de nombreuses manifestations appelant à sa destitution.

Faure Gnassingbé a tenté d’étouffer les manifestations en réintroduisant la limite de deux mandats. Mais les manifestants n’ont pas cédé, les jeunes militants l’accusant d’être déconnecté de la réalité. Les partis d’opposition CAP 2015 et le Parti national panafricain ont fait valoir que ces changements ne feraient que réinitialiser le calendrier politique et permettraient à M. Gnassingbé de se représenter, ce qui le maintiendrait potentiellement au pouvoir jusqu’en 2030. En réponse, les autorités ont restreint l’accès à Internet et réprimé les manifestations baptisées  « Togo debout », qui ont même trouvé un écho dans les fiefs du nord du pays de M. Gnassingbé. En conséquence, le Togo a été condamnée à une amende de 3 400 dollars par la Cour régionale d’Afrique de l’Ouest pour avoir coupé l’internet.

Cela n’a pas empêché les autorités de continuer à interdire les manifestations et à réprimer la dissidence. M. Gnassingbé a fait avancer sa proposition et le parlement a modifié la constitution en 2019. Il a remporté un quatrième mandat en 2020 avec 71 % des voix et est rééligible en 2025.

Un allié régional de confiance

 Malgré les critiques dont il fait l’objet dans son pays, M. Gnassingbé a joué un rôle influent dans la médiation entre les gouvernements militaires d’Afrique de l’Ouest, qui lui ont témoigné à plusieurs reprises leur confiance, et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ce bloc régional s’efforce de rétablir la démocratie après avoir été mis à mal par une série de coups d’État au cours des dernières années. Le président togolais a négocié la libération de dizaines de soldats ivoiriens détenus par la junte malienne dans le cadre d’un différend sur les sanctions sévères de la Cedeao imposées après la prise de pouvoir par les militaires en 2020 et 2021. La junte nigérienne était également favorable à ce que le Togo se porte garant, tout en exigeant le retrait des forces françaises après avoir pris le pouvoir en juillet 2023.M. Gnassingbé a facilité la levée de nouvelles sanctions contre le Burkina Faso, qui a connu deux coups d’État militaires en 2022, et le Mali. Il est également le parrain du Forum de Lomé sur la paix et la sécurité, officiellement lancé l’année dernière pour ancrer des discussions critiques sur la stabilité fragile de la région et du continent.

Qu’y a-t-il de si différent dans la nouvelle constitution ?

 En vertu de la nouvelle constitution, le président sera élu par les députés « sans débat » – et non par le public – pour exercer un rôle cérémoniel pendant un mandat unique de six ans. Le poste de premier ministre a été introduit pour exercer le pouvoir exécutif. Depuis que l’opposition a boycotté les élections législatives de 2018, l’Assemblée nationale est dominée par le parti UNIR de M. Gnassingbé. Trois partis d’opposition – l’Alliance des démocraties pour le développement intégral (ADDI), les Forces démocratiques pour la République (FDR) et l’Alliance nationale pour le changement (ANC) – ainsi que l’Église catholique tentent de faire reculer ce dernier. Les tentatives d’organiser trois jours de manifestations entre le 11 et le 13 avril ont échoué à la suite d’une répression par les forces de sécurité. Le 23 avril, le chef de l’opposition, Gerry Taama, a déposé une plainte contre les changements auprès de la Cour constitutionnelle, dont l’issue n’est pas encore connue. Comme les possibilités d’annuler les changements semblent s’amenuiser, les opposants de M. Gnassingbé prévoient maintenant de galvaniser le soutien avant les élections régionales et législatives du 29 avril.

Changements constitutionnels dans la région en général

 Paul Amegakpo, analyste basé au Togo, a déclaré que cela pourrait menacer la démocratie dans la région. Ce changement pourrait avoir un impact négatif sur le processus démocratique dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, où l’on assiste à un retour en arrière par le biais de coups d’État militaires et de dispositions constitutionnelles opportunistes visant à maintenir le président au pouvoir. Depuis une dizaine d’années, les dirigeants de plusieurs États d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont apporté des modifications notables à leur constitution afin de légitimer leur pouvoir étendu et d’affaiblir le contrôle ou la critique.

 

En République centrafricaine, la limitation du nombre de mandats présidentiels a été supprimée l’année dernière, ce qui permet au président Faustin Touadera – dont le gouvernement est soutenu par les mercenaires russes du groupe Wagner – de rester au pouvoir à perpétuité. Les administrations de la junte au Mali et au Tchad ont également eu recours à des référendums pour démontrer le soutien populaire aux changements constitutionnels, bien qu’elles n’aient pas été élues démocratiquement. Les modifications apportées à la constitution guinéenne en 2019 ont permis à Alpha Condé de briguer un troisième mandat. Il a ensuite été chassé du pouvoir par l’armée à la suite de manifestations massives contre la prolongation de son règne.

 

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