La problématique liée à la prorogation des mandats des Députés de 12 mois pourrait s’analyser sous un double prisme. Il s’agit notamment du prisme politico stratégique, et celui économique. Concernant le prisme politico stratégique, le vieux Lion, l’inoxydable et l’indétrônable Chef de l’État du Cameroun, le patriarche Paul Biya, assène un coup de Jarnac destructeur à certains partis politiques de l’opposition, qui n’ont pas pris la mesure des enjeux politiques en choisissant la politique de la chaise vide et du boycott des élections législatives et municipales en 2020. C’est une stratégie de décomposition, de déconstruction et de désagrégation des forces dites de changement qui, au départ n’arrivent toujours pas à se constituer comme une véritable force de proposition concrète pour un changement impératif au sommet de la gouvernance de l’État du Cameroun.
Par ailleurs, il faudrait voir dans cette prorogation de mandat des Députés de 12 mois, le souci pour le RDPC et son candidat naturel, de démontrer aux yeux de la classe politique nationale, que le Président Paul Biya tient toujours la barque Cameroun, et qu’il n’y a pas l’ombre d’aucun doute qu’il entend continuer son deal à l’effet de chercher à terminer son vœu de voir le Cameroun devenir, selon ses vœux, un pays prospère sous son règne. Même si la démocratie se présente déjà comme un acquis, quoique continuellement piétinée à certains égards par l’absence de dépénalisation des délits de presse et de la franche libre expression des citoyens. S’agissant du prisme économique, il se donne à observer que le Cameroun ploie sous le coup de nombreuses dettes contractées auprès des institutions de Breton Woods. Par ailleurs sur le plan interne, la balance commerciale est déficitaire et ne pourrait pas permettre de supporter les charges additionnelles d’une organisation de plus d’une élection en 2025.
Au vue de ce qui précède, quel impact potentiel, la prorogation de mandat des Députés pour une durée de 12 mois pourrait avoir sur la vie politique nationale ? Dans un premier ressort, il y aura à notre humble avis, un immobilisme notoire dans la vie politique nationale. Les différents états-majors des partis politiques vont ainsi réviser leurs ambitions dans l’optique de commencer à gouverner à partir de l’assemblée nationale, et se donner ainsi des coudées franches pour se créer un boulevard pour la présidentielle. D’un autre côté, on ne voit pas précisément ce qui va changer sur le plan de la réalisation des projets structurants et générateurs d’impulsions économiques, du moment où le renouvellement de la classe politique est paralysé, et qu’on va reprendre les mêmes ressources humaines pour recommencer avec les mêmes pratiques malsaines et mafieuses qui ont toujours existé dans l’exercice du pouvoir par le gouvernement RDPC.
Ce qu’un gouvernement n’a pas pu faire en 42 ans de pouvoir, ne pourrait se réaliser effectivement, efficacement en un mandat de trop. L’impact de la prorogation des mandats des Députés de 12 mois, serait pour l’essentiel négatif, du moins marqué par l’esprit de stagnation dans la gestion des affaires publiques. On ne voit pas précisément par quelle alchimie, les vieilles outres parviendraient à conserver du bon vin. Du moins, il serait superfétatoire de croire qu’il y aurait des changements notables sur les plans économico stratégiques du fait de la réapparition des mêmes figures humaines et géométriques dans l’échiquier politique national. Toutes choses qui démontreraient que le Cameroun préfère voguer en eaux troubles en maintenant le statuquo ante.
Ce qu’il convient de souhaiter pour notre pays est que, nonobstant l’inefficacité de la prorogation des mandats des Députés pour 12 mois, le patriarche Président s’engage à renouveler les ressources humaines, en tenant compte des malversations financières abusives que les collaborateurs directs d’avant ont contribué à exacerber, pour plonger le pays dans l’impasse et la léthargie inquiétante actuelle. Nous lui suggérons par ailleurs de se trouver un dauphin choisi par ses bons soins, qui serait chargé de refondre complètement le système de gouvernance actuelle, en vue de la restauration rapide d’un Etat Camerounais plus fort, et véritablement tourné vers l’émergence souhaitée.