L’aide au développement figure en bonne place des accords de coopération passés entre les Etats Africains et la France particulièrement au moment des indépendances. Du bluff pour nos jeunes présidents et hommes politiques de l’heure, sans expériences politiques, qui ont pensé et cru que ces pays occidentaux étaient des amis. Erreur… « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », la maxime bien connue dans les milieux diplomatiques semble pourtant se heurter à la ritournelle de tous les jours, faisant état des aides apportés à nos Etats, avec des sommes faramineuses. Dans le contexte et les conditions de nos pays pauvres et très endettés, c’est du pain béni. Sauf que les discours et les postures des huit présidents de la République qui se sont succédés à la tête de la France depuis 1958 tranchent avec la réalité. Pour le général de Gaulle, père de la politique de coopération, il est clair que « cet argent que nous donnons pour l’aide aux pays sous-développés n’est de l’argent perdu à aucun point de vue. Je considère même que c’est un très bon placement. »
En termes de placement, il faut bien recentrer le terme dans ses origines économiques pour mieux comprendre… Georges Pompidou à son arrivée au pouvoir réoriente cette politique vers l’influence culturelle. La diffusion de la langue française devient la « priorité absolue », car il faut « avant tout répandre en profondeur notre langue ». Le budget d’aide à l’enseignement est presque doublé… Ce n’est pas anodin. Valéry Giscard d’Estaing donne un tour plus économique et plus technocratique. Il affirme que « la France sera l’avocate inlassable de l’Afrique », mais « elle y trouve son compte ». Le mot est lâché la première fois et publiquement, « trouver son compte » est une expression connue de tous, y compris son champ lexical. Avec François Mitterrand, c’est officiellement la rupture avec la Françafrique. Le discours de La Baule conditionne l’aide aux progrès en matière de démocratisation. Ce virage ne tient pas longtemps : le président précise très vite que chacun doit progresser vers la démocratisation « à son rythme ».
Jacques Chirac cultive les contradictions. Il se montre très généreux pour sauver certains pays africains de la faillite, mais est d’une remarquable indulgence avec les vieux dictateurs francophones. Il dénonce les subventions des pays riches en faveur de leur coton, mais se montre l’un des plus ardents défenseurs de la politique agricole commune européenne qui affecte l’Afrique. Nicolas Sarkozy, lui aussi, annonce la fin de la Françafrique… et la prolonge tout de même. Son ministre du Commerce extérieur, Pierre Lellouche, présente le budget de l’aide publique à l’Assemblée nationale en déclarant : « À l’heure de la rigueur budgétaire et des déficits commerciaux records, on ne peut plus se permettre de faire de l’aide publique au développement sans penser commerce extérieur. » Emmanuel Macron affirme qu’ « il n’y a plus de politique africaine de la France ».
Le budget de l’aide augmente fortement. Mais alors, quelle est la « bonne » aide à pratiquer pour qu’elle ne soit pas « une somptueuse arnaque », ni une source de corruption ? L’aide devrait se diriger plus vers les individus et les associations que les gouvernements, afin de répondre aux besoins réels des populations. Elle devrait ne plus mélanger le commerce extérieur et le soutien aux plus défavorisés. Pour les plus pauvres qui n’ont pas les moyens d’assurer les besoins essentiels en matière de nourriture, de santé et d’école, seul le don est adapté. Peut-être faut-il se souvenir surtout du mot du Burkinabè Thomas Sankara, qui déclarait en 1984 devant l’Assemblée des Nations unies : « Nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. »